Tout était étrange, tout était bizarre, il n’y avait certainement aucun mot pour définir leur situation. Jamais Jun Ho n’aurait pu espérer un jour vivre des moments comme celui-ci, jamais il n’aurait cru devoir passer des heures dans un magasins pour faire des courses pour son fils et la femme qu’il aimait, jamais il n’aurait cru qu’on lui laisserait la simple opportunité de les revoir puis leur parler. C’était fascinant autant qu’une partie de lui en était effrayé… Parce que c’était beaucoup trop beau pour être vrai. Certes, la manière dont tout ceci était arrivé n’avait rien de jolie néanmoins il avait du mal à croire qu’il ne devrait pas payer lui-même un certain prix pour avoir eu le droit à un tel « bonheur ». Il préférait ne pas trop s’en formaliser, simplement profiter puis aviser ensuite… Ce n’était pas comme s’il était moins attentif de toute façon ; il l’était au contraire beaucoup plus maintenant qu’ils étaient sous sa protection… Si ça ne le dérangeait pas d’être blessé et se sacrifier pour leur bien-être à eux, ça le dérangeait beaucoup plus si on osait les toucher de trop près. Ce qu’on avait fait à Chul Hei la veille, le mafieux ne pardonnait pas et ne pardonnerait assurément jamais. Tiffany ne pouvait pas comprendre, elle ne pouvait pas deviner ce qui lui passait par la tête et ô combien, ils étaient importants à ses yeux… Jun Ho avait beau s’être confié avant qu’ils aillent se coucher le soir précédent, il n’avait rien révélé la concernant donc c’était normal qu’elle n’est aucune connaissance de tout l’amour qu’il leur portait. Et pourtant… Ses actes étaient la plus belle preuve qu’il pouvait donner. Il n’avait pas hésité à partir à la recherche de leur fils avec elle, il n’avait pas hésité à la loger chez lui non plus, il s’était inquiété, l’avait soigné, lui avait préparé le petit déjeuner et ramené plein de choses qui lui ferait plaisir autant à elle qu’à l’enfant. Puis, on ne parlait pas des sourires ou des regards qu’il leur accordait… Ils étaient les seuls à recevoir autant de sincérité mais ça aussi il s’agissait d’une chose que la fleuriste ignorait.

Ayant fini de ranger la nourriture dans les placards, son attention s’était portée sur son garçon et une esquisse attendri avait naturellement égayé son visage. Le voir si joyeux par les cadeaux qu’il venait de recevoir rendait Jun Ho fier autant que ça lui donnait envie de pleurer… Il y avait tellement de choses qu’il aurait souhaité avouer à ce bonhomme mais tout ce qu’il pouvait faire était de l’observer tristement de loin. Un léger rire avait quitté ses lèvres ensuite quand Chul Hei s’installa à terre pour imiter sa mère et c’était si mignon que non, le jeune homme n’avait pas été en mesure de rester impassible devant cette innocence.

A la remarque de Tiffany, lui-même avait joué les innocents avant de lui sourire puis de hausser les épaules. Oui, il lui avait ramené des tas de choses qu’elle aimait par le passé car même s’il lui avait caché de nombreuses choses, leur relation avait été des plus sincères. C’était également la raison pour laquelle son attitude envers elle aujourd’hui n’était pas si différente de celle qu’il adoptait autrefois. Quand vint la question des affaires de la fleuriste, en toute honnêteté, Jun Ho n’en était pas arrivé au point de vouloir lui ramené des sous-vêtements… Il avait juste pensé aux tenues de base pour traîner à la maison. Et il ne voyait pas où était le mal d’ailleurs de vouloir offrir des vêtements à la femme qu’il aimait… Hors, à nouveau, seul lui était au courant de ses sentiments ; elle, elle n’en savait strictement rien. « J’aurais juste pu deviner la taille de ta tenue mais je n’ai pas voulu m’aventurer dans ce terrain là. » Avait-il déclaré, plaisantant quelque peu. Les femmes étaient plutôt sensibles sur ce sujet donc il valait mieux ne pas tenter et se tromper.

Préparer le dîner en leur compagnie était également une chose que le mafieux n’aurait jamais pu rêver, même dans ses désirs les plus fous… Cependant, ces deux-là se tenaient bien à côté de lui en cet instant précis et Chul Hei semblait avoir des goûts plutôt particulier au vue du mélange qu’il avait demandé. Jun Ho non plus n’avait pu s’empêcher de sourire en l’écoutant et s’il n’avait rien dit, il les avait contemplé tous les deux en silence. « C’est parfait. » Conclut-il simplement. Le japchae faisait partie de ses plats favoris et bien qu’il ne savait pas si Tiffany l’avait proposé en connaissance de cause ou non, ça lui faisait plaisir.

Poussant les sacs de jouets dans le coin afin d’avoir plus de place, il commença à sortir tout ce dont ils auraient besoin pour cuisiner et s’attela, chacun à sa tâche. L’ambiance était étrangement chaleureuse et l’espace de quelques instants, le mafieux en avait oublié tous ses problèmes qui le torturaient un peu plus chaque jour. C’était de cette vie normale qu’il parlait la veille et bien que cela ne soit que temporaire, chaque seconde passée auprès d’eux était précieuse… La fleuriste terminant de son côté, le mafieux en profita pour sortir de quoi mettre la table. « Tu veux m’aider ? » Proposa-t-il d’un ton toujours plus enfantin lorsqu’il s’adressait à Chul Hei, ce dernier n’ayant plus rien à faire et semblant vouloir toujours prêt à donner un coup de main. Il ne lui passa que les choses pas lourdes et pas dangereuses comme les serviettes, les baguettes ou même les louches puis ensemble ils firent plusieurs allers-retours entre la salle à manger et la cuisine. Porter les gros plats étaient compliqués pour le garçon donc Tiffany et lui s’en occupèrent avant de s’installer enfin à table. « Humm… Ca a l’air délicieux ~ » Il se frotta ses mains sur ses propos tandis que ses prunelles s’arrondissaient de gourmandise. Avant de se servir, il remplit d’abord leur assiette à eux puis se chargea de la sienne ensuite. « Bon appétit. » Lança-t-il, laissant l’honneur à son fils de goûter en premier. « Alors, c’est bon ? » L’éclat qui décorait ses lèvres ne s’effaçait jamais lorsqu’il s’adressait à ce garçon et la lueur qui brillait dans ses pupilles montrait sincèrement tout l’intérêt qu’il lui portait.

Tiffany et Chul Hei avaient leurs habitudes, leur petit quotidien rien qu'à eux. La québécoise n'y incluait généralement personne, sinon en quelques petites occasions. Si on lui avait dit que Jun Ho y reviendrait, même pour un court interlude… Non, elle n'y aurait pas cru. C’était si farfelu comme scénario suite à la tournure qu'avait pris leur relation. Elle n'était pas très à l'aise avec la situation, ne sachant pas trop quoi en penser. L'enfant semblait à l'aise avec le mafieux, donc il y avait au ça en moins… Bien que leur complicité était encore étonnante. La québécoise préférait ne pas s'en plaindre, pour le moment, le bien de son petit rayon de soleil passant avant le reste. Le fait que Jun Ho n'ait pris des choses qu’elle aimait dans les courses avait été inattendu. Tiffany ne lui avait rien demander du genre, faisant passer les possibles désirs de Chul Hei en premier. Elle préférait vraiment concentrer tous ses efforts sur lui, voulant le rassurer et lui faire oublier le dur épisode de la veille. Le mafieux avait donc dû s'en rappeler, fouiller loin dans sa mémoire, très loin, non ? Jun Ho n'avait pas répondu à sa remarque, se contentant de lui sourire et de hausser les épaules. La jeune femme plissa les yeux, trouvant définitivement louche toutes ces fois où il répondait de cette manière. Elle restait en proie à toutes sortes d'émotions à cause de la veille, mais elle était aussi un peu plus calme. Elle remarquait donc davantage de choses… qui restaient insensées, à ses yeux. Tiff n'insista pas, il était toujours délicat de poser des questions devant les petites oreilles à l'ouïe fine de son fils… Elle changea plutôt le sujet, abordant les vêtements et soulignant que la surprise pour Chul Hei avait été suffisante. S'il en avait acheté pour elle aussi, la fleuriste aurait trouvé ça étrange !

-« J’aurais juste pu deviner la taille de ta tenue mais je n’ai pas voulu m’aventurer dans ce terrain là. »

Son sourcil s’était naturellement soulevé, dessinant un arc sur son joli visage. Il lui avait admis, la veille, vivre avec l’idée d’être constamment en danger de mort, mais il n'osait pas tenter de deviner une taille de chemise ? Jun Ho la craignait plus avec ses réactions que les autres mafieux ? Cet idiot… il avait toujours le même humour ! Un sourire amusé était venu étirer ses lèvres, bien malgré elle, alors qu’elle hochait la tête en laissant entendre un petit « Tssss… » faussement désapprobateur. Le mafieux leur avait demandé ce qu’ils désiraient manger, Chul Hei avait répondu par un étrange menu que Tiffany avait préféré corriger. C'est donc tous les trois qu'ils s'étaient mis sur la préparation du repas, étrange moment que la fleuriste avait pu éviter au matin. Le petit s'était occupé de tâches simples et menues, rien de dangereux. Il le faisait toujours à la maison, aimant cuisiner avec sa mère et tirant toujours une grande fierté à l’idée d'avoir participé aux plats qu’il mange et trouve bon. Tiff se prêtait au jeu, souriant et faisant au mieux pour passer outre le malaise. Le fait que Jun Ho ne soit le même que Kôsei la perturbait un peu et elle faillit se tromper de prénom en deux occasions, ayant trop l'habitude de l'appeler autrement. Elle se rappela ce qu’il avait dit la veille ; une vie normale… Elle le lui souhaitait, sincèrement, mais une partie d'elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce que ça pouvait vouloir dire pour Chul Hei. Avec les révélations sur ses activités illégales, la fleuriste pouvait comprendre qu’il lui ait conseillé de faire croire à son fils qu’il était mort et de ne jamais tenter de le retrouver. Cependant, est-ce que ça changerait quelque chose pour le petit, si Jun Ho réussissait ? S'il tentait de le chercher un jour, le nom indiqué sur son acte de naissance ne l'avancerait pas tant, puisqu’il est faux. Il allait terriblement lui en vouloir, s'il apprenait qu’elle ne lui avait rien dit, alors qu’elle savait…

Cette histoire se compliquait toujours un peu plus, nourrissant la culpabilité et les lourdes réflexions qui venaient lui tordre tout à l’intérieur. La sécurité de Chul Hei passait toutefois avant tout. Si cela voulait dire qu'il la détesterait, elle assumerait. Une lueur de tristesse s'installait doucement dans ses prunelles lorsqu'elle regardait son fils, s'excusant en silence de lui offrir une vie si compliquée. Son sourire restait toutefois sur ses lèvres et elle l'encouragea d'un hochement de tête, lorsqu'il avait relevé les yeux vers elle suite à la question de Jun Ho. Il pouvait l’aider, tout irait bien. Le petit fit un grand sourire joyeux, content de se voir confier une tâche et d’être traité comme un grand. Il avait tout mis comme à la maison, puis s’était installé à côté de sa mère.

« Humm… Ca a l’air délicieux ~ »

Chul Hei regardait les mets avec la même tête que Jun Ho, hochant vivement la tête pour donner son accord. Un en face de l'autre, devant ce repas… il était difficile de ne pas comprendre le lien qu'ils partageaient. Tiffany cacha ses lèvres derrière sa main, tentant de ne pas rire. C’était aussi mignon que douloureux à voir.

-« Bon appétit. »

-« Merciii, bon appétiiit ~ » avait répondu le petit avec entrain.

Tiffany avait répondu plus calmement, attendrie et rassurée par la bonne humeur de son rayon de soleil. Chul Hei aurait normalement attendu que ses aînés aient pris une première bouchée avant de goûter, étant poli, mais comme on lui avait laissé l'honneur (et que sa mère avait donné son accord), il s'en donna à cœur joie pour goûter.

-« Mmmmmmm ! » avait-il fait joyeusement.

Il leva son pouce, donnant toujours son approbation comme ça.

-« Et pourquoi c'est si bon ? » demanda Tiffany avec un sourire plein de tendresse.

-« Parce que j'ai aidé à le faire avec amour ! » répondit spontanément l'enfant.

Tiffany fut un peu surprise par son dernier ajout, habituellement, il dit que c’est parce qu’il a aidé. Elle rit un peu, prit une bouchée puis hocha la tête avec satisfaction.

-« Ah oui ! Je reconnais la touche du grand chef Bae ! » commenta-t-elle, se prêtant au jeu comme toujours.

C’était peut-être stupide, ce n’était pas grand-chose, mais cela encourageait grandement le petit qui se gonflait de fierté.

-« Ahjussi, c'est bon ? » demanda-t-il avec un adorable sourire.

C’était vraiment étrange comme situation. Pas désagréable pour autant, Jun Ho restait comme celui qui avait été son ami et qui avait éveillé des sentiments plus complexes qu’elle n'avait jamais voulu lui admettre. Hélas, il restait aussi celui qui lui avait brisé le cœur et le père de Chul Hei… La québécoise ne pouvait s'empêcher d'avoir peur des représailles que son fils pourrait avoir envers elle, s'il venait à savoir plus tard. Peut-être qu'il comprendrait… peut-être pas.

Si des choses pouvaient être complètement anodines pour certaines, elles pouvaient cependant être exceptionnelles pour d’autres. Jun Ho n’avait pas la chance de partager de tels moments tous les jours et cette vie normale qu’il avait mentionné la veille était exactement ce qu’il était en train de vivre à l’heure actuelle. Evidemment que s’il était capable de quitter ce milieu dans lequel il était enfermé, il serait le premier à accepter son fils et Tiffany dans son existence ; il serait le premier à courir vers eux prêt à se prendre le plus grand rejet puis leur expliquer calmement ce qu’il en était ; il serait le premier à leur clamer ô combien il n’avait jamais cessé de les aimer et que tout ce qu’il souhaitait était leur bonheur à tous les deux. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle il s’était éclipsé autrefois puis avait soudainement disparu… Il avait pris conscience ô combien ses propres sentiments mettraient en danger la femme qu’il aimait et ô combien, il n’avait pas le droit d’être égoïste. On le lui avait pourtant appris dés son plus jeune âge, il ne devait rien éprouver pour autrui si ce n’était pour ses frères d’armes, il ne devait laisser paraître aucune émotion et ne pas se montrer faible. Si son clan l’avait su, rien ne pouvait présager que la fleuriste serait encore de ce monde aujourd’hui. Voilà pourquoi il avait préféré se faire détester et maudire plutôt que prendre le risque de la perdre pour toujours. Ce n’était pas grave si elle ne savait pas, ce n’était pas grave si elle ne comprenait pas non plus, du moment qu’elle vivait bien avec leur fils, c’était le principal. Partager de tels instants à présent était certainement trop demandé de sa part toutefois aussi égoïste que cela puisse être, Jun Ho comptait bien en profiter et les protéger comme il se l’était toujours promis.

Installé à table, il n’était pas capable d’effacer cet éclat qui bordait ses lèvres tandis qu’il les observait tous les deux. Chul Hei était adorable, et Tiffany était quant à elle formidable. Il n’avait jamais cessé de le penser et encore plus maintenant qu’il les observait de bien plus près. Comme il le lui avait déjà rétorqué par le passé, elle pouvait réellement être fière du chemin qu’elle avait parcouru jusqu’à présent. Peu importait les difficultés qui s’étaient immiscés sur son passage, elle avait tenu bon, elle avait élevé leur enfant toute seule et ce dernier était devenu un bon garçon. Rien que pour cette raison, elle n’avait pas à culpabiliser puisque des mères comme elle, il n’y en avait pas beaucoup. Son sourire ne quittait pas ses lèvres tandis qu’il commençait à manger et les regardait en silence. Réellement, il ne le penserait pas jamais assez hors il avait sincèrement l’impression d’être dans un rêve. Presque, et il se pincerait pour s’assurer qu’il s’agissait bien de la réalité.

Egarant ses yeux vers son fils qui lui parlait, Jun Ho prit à son tour une nouvelle bouchée avant de lui sourire puis de lever son pouce en sa direction. « Délicieux ! » Lui avait-il répondu joyeusement « T’es un vrai cuistot dis-moi ! » Le voir être aussi heureux pour un simple repas ne faisait qu’accentuer son propre bonheur et même s’il le voulait, il ne parvenait pas à s’arrêter de sourire. Le repas se fit dans une atmosphère agréable, comme ce fut le cas le matin même puis tous ensemble ils débarrassèrent ensuite, rangeant le tout dans le lave-vaisselle. Ce n’était qu’une fois tout terminé, toujours dans la cuisine, que le mafieux se tourna vers son fils avec ses derniers sacs de courses entre les mains. « Parce que tu as été un bon assistant, j’ai une petite surprise pour toi. » Même plusieurs d’ailleurs. Son sourire était taquin, faisant exprès de laisser du suspens alors qu’il lui disait de l’attendre dans le salon. Une attente qui ne fut pas très longue puisque Jun Ho les suivit de près, déposant ainsi ce qu’il avait acheté sur la table. « Comme ça tu pourras t’amuser si tu t’ennuies. » Il lui mima un clin d’œil sur cette déclaration puis le laissa regarder ce que contenait les sacs… Au même moment, le jeune homme porta alors son attention sur la fleuriste puis lui tendit un autre qui lui appartenait. « Je ne savais pas trop quoi te prendre mais je me suis dit que ça, ça te plairait sûrement. » D’aussi loin qu’il la connaissait, Tiffany avait toujours aimé ce qui concernait les plantes alors il lui avait acheté les derniers magazines et bouquins sur le sujet. Ce n’était pas grand-chose hors parce qu’ils étaient condamnés à devoir rester enfermés ici, il avait pensé que ça serait bien de leur donner de quoi s’occuper.

Bizarre. C’était définitivement… étrange comme situation. Il n’y avait rien de désagréable, Chul Hei était adorable et souriait tranquillement plus. Tiffany en était rassurée, les événements de la veille ne semblaient pas trop lui peser. Il faut toutefois dire qu’il ne l’avait pas quitté de la journée et qu’ils n’avaient pas tenté de sortir de l’appartement. Ils avaient ouvert les fenêtres pour avoir un peu d’air, mais ce n’était pas la même chose. Jun Ho et le petit s’entendaient… étrangement bien. Les faits que l’enfant ne soit de nature sociable et qu’il lui était possiblement reconnaissant d’avoir été le sauver la veille pouvaient en partie expliquer… Mais pas tout éclairer pour autant ! Le mafieux souriait beaucoup aussi, retrouvant ainsi les airs de l’homme que la fleuriste avait connu. C’était assez déstabilisant pour Tiff qui restait souriante et se prêtait, elle aussi, au jeu. Chul Hei était adorable, tout fier d’avoir aidé à faire le repas qui était très bon. La québécoise étant bonne cuisinière, il n’est pas étonnant qu’elle ne forme un bon assistant !

-« Délicieux ! T’es un vrai cuistot dis-moi ! »

-« Maman m’a tout appris ! Et mamie aussi, un peu ! » répondit innocemment l’enfant avec un grand sourire, entre deux bouchées.

Sa mère lui lança un regard affectueux, sachant que quand il disait « mamie », il parlait de la tante de la jeune femme. Considérant qu’il aurait déjà une vie assez différente des autres : une maman, pas de papa, dans une société où les gens ont coutume de se marier dès qu’il est question de grossesse… sa tante et elle s’étaient mises d’accord. Comme ses parents et le reste de la famille lui ont tourné le dos, sa tante prendrait le rôle de grand-mère du petit. Ainsi, au moins, il a un semblant de famille plus « normale ». Le repas se déroula calmement, restant étrangement… agréable. Tiffany avait du mal à saisir ce qui se passait, n’ayant jamais imaginé se retrouver dans ce genre de situation. En un sens, elle était contente pour Chul Hei. Il aurait au moins connu… un peu… son père. Hélas, c’était un détail qu’il ne savait pas et qu’il ne devrait pas savoir. Elle craignait d’ailleurs sa réaction, s’il venait à l’apprendre. La fleuriste faisait au mieux pour ne pas y penser et pour ne pas non plus se laisser trop perturber par Jun Ho. Cela dit, il ne faisait rien pour l’aider à ce sujet!

-« Parce que tu as été un bon assistant, j’ai une petite surprise pour toi. »

-« Oooohhhh ? » fit le petit, son visage s’illuminant.

La québécoise lança un regard plein de questions au jeune homme. N’en faisait-il pas trop ? Elle lui était reconnaissante, il ne faut pas se tromper, mais… pourquoi ? Il n’avait pas à faire autant d’efforts pour que Chul Hei ne l’apprécie, il n’allait pas rester dans sa vie, de toutes manières, non ? Tiffany comprenait mieux, maintenant, pourquoi Jun Ho n’était pas revenu en apprenant sa naissance. Enfin… il n’avait pas semblé surpris d’apprendre son existence, donc… la québécoise ne savait pas comment, mais il l’avait éventuellement appris. Faisant partie de la mafia, il aurait pu le mettre en danger… L’enfant aurait été coincé dans un monde plus violent que celui que lui offrait sa mère seule. Ça, avec le recul, elle pouvait un peu plus le concevoir. Mais ça s’arrêtait là, pour le moment. Chul Hei s’était installé sur le canapé et avait tiré la main de sa mère pour qu’elle ne prenne place à ses côtés, attendant impatiemment de savoir quelle était sa surprise.

-« Comme ça tu pourras t’amuser si tu t’ennuies. »

Tiffany hocha la tête avec un sourire, l’encourageant à ouvrir son sac. Jun Ho ne devait rien avoir amené de dangereux ou de déplacé, donc elle ne s’inquiétait pas. Elle restait toutefois surprise et confuse. Le petit n’attendit pas plus longtemps et en profita pour fouiller le sac, montrant avec excitation ce qu’il trouvait à l’intérieur. La fleuriste lui caressa les cheveux avec tendresse, le trouvant toujours aussi attachant et préférant le voir sourire ainsi. Son attention dévia toutefois sur le mafieux, puisqu’il lui tendait un paquet à elle aussi. Chose à laquelle elle s’attendait encore moins !

-« Je ne savais pas trop quoi te prendre mais je me suis dit que ça, ça te plairait sûrement. »

-« Tu n’avais pas à te donner tant de mal, tu sais ? » dit-elle, un peu gênée, en prenant délicatement le paquet. « Merci pour Chul Hei. » ajouta-t-elle d’abord tout naturellement, jetant un regard à l’enfant qui s’émerveillait devant un jouet. « Et eeeh… pour… » fit-elle, encore surprise, en levant son paquet.

Et si elle l’ouvrait hein ? Ce serait une idée ! C’était un peu lourd, plutôt rigide. Le contenu lui arracha un sourire, bien évidemment. Il y avait quelques magazines qu’elle envisageait d’ailleurs d’acheter, un livre qu’elle avait déjà, mais Jun Ho ne pouvait pas le savoir, et un autre dont elle avait entendu parler. Son ancien meilleur ami pouvait d’ailleurs voir qu’elle était toujours la même face aux cadeaux : gênée et maladroite. Sa situation avait évolué, mais certaines choses étaient restées les mêmes. Tiffany n’avait jamais su comment accepter les présents, n’ayant pas l’habitude d’en recevoir sans raisons précises (anniversaire, Noël…).

-« Merciiiii ahjussiiiii !! » lança finalement Chul Hei, son regard se détachant de son nouveau jouet préféré pour se poser sur Jun Ho. « Vous voulez jouer avec moi ? » demanda-t-il les prunelles brillantes d’espoir, en leur montrant un petit jeu de société.

La jeune mère posa délicatement les magazines et les livres sur la table et accepta, se disant que ça pourrait peut-être balayer le malaise qu’elle avait présentement ?

Jun Ho n’avait pas besoin d’être devin ni même d’espionner Tiffany pour savoir qui était la « mamie » que son fils avait mentionné. Son amitié avec la fleuriste n’avait jamais été mensongère, il avait écouté chacune de ses confidences et connaissait très bien la relation conflictuelle qu’elle avait avec ses propres parents. Cela aurait été merveilleux que la naissance de l’enfant leur permette de changer cependant malheureusement rien n’était simple dans la vie. Le mafieux avait jugé bon de ne pas relever, se contentant de lui sourire avec sincérité avant de se concentrer sur son repas. Si c’était étrange pour la jeune femme, ça l’était un peu pour lui bien sûr néanmoins ce n’était pas désagréable. Et peut-être que oui, il devrait cesser de trop en faire, ne pas trop s’inquiéter pour eux et songer qu’à sa propre personne comme il avait donné l’impression de le faire jusqu’à maintenant. Hors, c’était difficile parce que pour une fois dans sa vie, même si Chul Hei ne le saurait probablement pas, il avait envie d’être lui-même, d’être ce père qu’il ne serait jamais… Ce n’était pas la première fois qu’il lui achetait des cadeaux mais ce serait la première fois qu’il les lui donnerait en main propre et pour Jun Ho, c’était quelque chose qu’il n’aurait jamais pu espérer vivre un jour. Tant pis si Tiffany lui reprochait cette attitude plus tard, tant pis si elle le maudissait un peu plus et s’il créait une confusion dans la famille… Pour une fois, juste une fois, il souhaitait être un brin égoïste.

Alors non, il ne s’était pas caché de ses surprises qu’il avait acheté puis avait amené le tout au salon. Il ne faisait pas ça parce qu’il espérait être aimé en retour mais parce que ça lui faisait plaisir. Quand il s’était perdu dans les rayons du supermarché, il s’était posé la question : que devait-il acheter pour s’assurer qu’aucun d’eux ne s’ennuie pendant son absence ? Puis la réponse lui était venu naturellement. Probablement que oui, il en avait trop acheté mais qu’on le pardonne, tout lui avait paru intéressant et si ça n’avait tenu qu’à lui, Jun Ho aurait certainement dévalisé tout le magasin. Il avait donc était bien plus que raisonnable si on visualisait les choses de cette façon. La réaction de l’enfant était suffisante pour le rendre heureux et ses lèvres s’étaient étirés dans un énième sourire en l’observant… Trop mignon. Hors le mafieux se motiva à détourner son attention sur la fleuriste ensuite, lui offrant à son tour ce qu’il avait acheté pour elle. Ce n’était sûrement pas aussi génial que des jouets pour un enfant toutefois il espérait qu’elle apprécierait et que ça l’occuperait un minimum.

« Je ne me suis pas donné du mal. » Le jeune homme avait haussé les épaules sur ses propos, égarant ensuite ses iris vers son fils qui s’enjouait de ses cadeaux. Si c’était pour assister à une telle scène à chaque fois, il serait prêt à se donner autant de mal que nécessaire tous les jours. « Mais je t’en prie. » C’était avec plaisir qu’il s’était retenu d’ajouter. Si Chul Hei était adorable, Tiffany l’était tout autant… Jun Ho avait évidemment noté son air embarrassé et il n’avait pu s’empêcher d’en rire discrètement. Quoi qu’elle dise, il y avait des traits qui ne changeaient pas et elle était fidèle à elle-même, comme toujours. « Pourquoi pas ! » Avait répondu le mafieux en s’installa à terre devant la table. Jouer avec son fils était une première, comment refuser ? Probablement que même épuisé, il aurait accepté. Et la soirée s’était ainsi faite dans la joie et la bonne humeur, un autre moment rêvé mais pourtant bel et bien réel.