[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Se calant plus confortablement contre le banc, une légère grimace vint plisser son nez, un air finement boudeur étirant ses traits, la fraîcheur du bois traversant ses vêtements. Il soupira faiblement, attrapant plus fermement son crayon avant de lever les prunelles vers le paysage devant lui. C'était somptueux. Aussi étrange que ça puisse être, Aaron aimait cette période-là de l'année – il aimait toutes les périodes de l'année cela dit. Chaque saison avait son paysage et chaque paysage avait son histoire. Aaron adorait en dessiner chaque chapitre dans son carnet déjà bien rempli. Il s'amusait avec les traits, les reliefs et les ombres. Il décrivait un sentiment, une émotion ou le visage d'un passant dans les détails les plus infimes. Il était content d'avoir pu sortir, aujourd'hui. Même si ce masque lui cachait la moitié du visage, comme d'habitude.
Comme d'habitude il était resté enfermé plusieurs jours. Comme d'habitude il était passé à l'hôpital et c'était pour cette raison qu'il s'était décrit comme « puni ». Il aimait toutes les saisons, Aaron. Il aimait l'hiver tout comme il aimait le printemps, mais l'hiver était toujours rude avec lui. Le printemps aussi d'ailleurs. On ne lui rendait pas l'amour qu'il portait mais ça ne l'empêchait pas de continuer à apprécier les couleurs de chaque paysage. Chaque matin, c'était une chance de le voir parce qu'il ne savait pas quand viendrait son « dernier » matin. Tout était possible avec lui. Une simple grippe pouvait le mettre chaos alors il ne serait pas étonné de partir bêtement. C'était pour ça qu'il profitait de chaque occasion pour sortir, pour se poser, pour dessiner. Pour vivre. Il voulait en profiter et ne pas avoir de regrets une fois qu'il fermerait les yeux. Il voulait croquer chaque émotion, chaque croquis, chaque saison, chaque soleil, chaque pluie comme s'il s'agissait du dernier à chaque fois. Et lorsqu'il ouvrait les yeux le lendemain, c'était une sorte de jour de chance. Un bon jour. Même s'il était cloué dans un lit, cela voulait dire que son corps n'avait pas abandonné et que la volonté de son esprit était plus forte que tout, même la maladie.
Il s'efforçait de voir les choses ainsi. Pour son propre bien. Ce serait une spirale incontrôlable s'il partait dans l'autre sens et qu'il déraillait. Une spirale de laquelle il ne pourrait plus se lever.

Il aurait dû rester couché aujourd'hui sans doute mais il ne voulait pas se priver. Il le faisait bien trop déjà. Alors il était venu ici, pour dessiner, écouter, savourer, profiter. Il faisait plutôt bon, bien qu'un peu trop frais pour lui, mais il était bien couvert. Une écharpe couvrait sa gorge et une veste cachait son corps. Le froid passait à travers mais pas suffisamment pour le faire trembler. Et le temps qu'il ne tremblait pas, il ne partirait pas. Il avait encore un peu de marge, alors.

Copiant sur son carnet le paysage qui traînait devant lui, il égara son regard dans la direction opposée, la curiosité le piquant à vif alors qu'il observait une jeune femme. Il la regardait faire sans comprendre ce qu'elle faisait réellement. Le paysage était bien vite oublié, et Aaron ne voulait qu'une chose : comprendre et pourquoi pas apprendre quelque chose. Dans un élan de motivation et de courage, il se leva, s'avançant vers la demoiselle, les iris pétillant d'une curiosité enfantine. « Bonjour », dit-il doucement, tentant un sourire qu'on ne voyait pas. Il baissa alors son masque, soufflant discrètement quand le froid vint lui frapper les joues. « Vous faîtes quoi ? », demanda-t-il, le visage penché sur le côté dans une moue perplexe mais aussi réellement intéressée. « Je vous dérange pas au moins ? », fit-il finalement en se disant qu'elle n'avait peut-être pas que ça à faire, que de lui expliquer ce qu'elle faisait ici.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]C'était peut-être stupide, c'était même peut-être totalement idiot, mais Aaron se demandait souvent ce que ça faisait d'être normal. De pouvoir sortir n'importe quoi, n'importe où. De pouvoir croquer pleinement la vie sans se soucier du reste. Il ne se considérait pas comme normal, du moins dans sa définition. Il avait des soucis, et plus souvent qu'il ne le voudrait. Il était souvent obligé de rester chez lui, d'observer ce paysage par sa fenêtre, un brin désespéré. Mais il ne se laissait pas emporter par l'obscurité ou la tristesse ou même le désespoir. Il essayait de voir les choses d'un autre œil, de se dire que c'était mieux ainsi, que ça lui évitait de tomber encore plus malade. Qu'ainsi il pouvait travailler plus sereinement, il était sûr qu'il allait être concentré sur sa tâche et pas distrait toutes les deux minutes. Néanmoins il y avait toujours cette bête noire dans un coin de son esprit. Cette voix qui lui demandait combien de temps pensait-il que tout ça allait encore durer. Il ne voulait pas se la jouer dramatique ou devenir une pauvre victime de son pauvre corps, mais Aaron n'était pas bête. Il n'était pas stupide. Il savait qu'un jour il y resterait. Bêtement. A cause d'un rhume. Il y avait toujours pensé et il ne pouvait pas s'empêcher d'être quelque peu effrayé à chaque fois qu'il tombait malade. Mais il se relevait. Toujours. Il continuerait à le faire jusqu'à ce qu'il n'ait plus de souffle, jusqu'à ce que son corps lui fasse comprendre que c'était le moment, qu'il était épuisé, qu'il n'en pouvait plus. Il continuerait de se battre du mieux qu'il le pouvait. Il continuerait de profiter de tout ce que la vie avait à offrir sans modération.

C'était pour ça qu'il était là. Il aurait pu aller partout et nulle part, mais il se retrouvait là. Pour dessiner. Ca lui manquait. Et c'était tout de même plus agréable de dessiner en plein air que derrière une vitre. Il appréciait tellement le vent fin contre ses joues. Sa curiosité était plus forte cependant et il s'était dirigé vers cette jeune femme un peu plus loin. « Le milieu pour les cartes ? Du poker ? », il arqua un sourcil, perplexe. Il observa les cartes, les sourcils froncés, vraiment intéressé. « Ah tarot », qu'il dit en riant faiblement, se frottant la nuque, un brin gêné d'avoir pensé qu'il s'agissait d'un poker. « Tu sais lire les cartes ? », il la fixa un instant, émerveillé. « Je peux ? C'est vrai ? Mais si ton amie vient je veux pas déranger mais... ça a l'air vachement intéressant », il se pinça les lèvres, semblant hésiter. Il ne voulait pas perturber le programme de la jeune femme. Rina. « Aaron. Enchanté », qu'il se présenta à son tour dans un large sourire. « Ca se passe comment ? Je dois poser des questions et tu tires des cartes pour y répondre ou... ? », il cligna des paupières, totalement novice. « Ca m'intéresse vraiment de savoir ce que les cartes peuvent dire. Ca ne peut être que positif, pas vrai ? », parce que même si c'était quelque chose de négatif, il pourrait changer tout ça pour en faire du positif. Pour tenter de voir le bien dans ce mal. « Je peux ? T'es sûre ? Je dérange vraiment pas ? », qu'il demanda pour s'en assurer, le regard pétillant, tapotant doucement dans ses mains comme un gamin devant un stand de bonbons.

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