Quelques jours s’étaient écoulés depuis la soirée chez Hana, pourtant plusieurs choses avaient déjà eu le temps de se passer. Ki Tae et Sang Min s’étaient réveillés ensemble, chose qui avait rendu nerveux et gêné l’auteur, même s’ils n’avaient rien fait. C’était simplement… étrange de se réveiller de nouveau aux côtés de quelqu’un. Il en avait perdu l’habitude, ne l’ayant pas fait depuis Jaehyun. Lorsque des gens restent à dormir chez lui, parce qu’il se fait trop tard pour rentrer ou pour n’importe quelle raison, le jeune homme a tendance à laisser son lit à l’autre personne et à dormir sur le canapé. Or, ce n’était pas ce qui était arrivé. Ils avaient dormi ensemble, innocemment. Ça avait un peu calmé le plus vieux qui restait toujours aussi agité. Il avait eu peur que Momoka ne vienne le confronter encore, n’ayant pas encore parlé avec Erin, avant cette soirée. Il était donc encore plus ou moins dans le déni et ce n’était certainement pas comme ça qu’il aurait aimé avoir une confirmation ! Enfin, Sang Min aurait continué de le nier, ne faisant pas confiance à cette inconnue qui lui fait peur… Cependant, il avait pu discuter avec son amie… qui n’avait pas nié s’être rapprochée de lui en étant poussée par la curiosité de sa ressemblance avec son cousin. Elle n’affirmait pas qu’il s’agissait de lui, mais les coïncidences lui semblaient bien grosses… et ses premières motivations n’avaient pas été si innocentes, justement parce qu’elle pensait qu’il pouvait s’agir de lui.

La discussion avait été difficile sur ses nerfs, horrible sur son cœur. Erin avait tout de même été douce, si on pense à comment elle est normalement. L’auteur restait mitigé quant à ses sentiments pour elle. Il ne voulait pas la perdre, ça, il en était certain. Même si elle l’avait approché afin de se venger d’une famille avec laquelle elle était en conflit, aujourd’hui, elle était une de ses plus proches amies. Cependant, la douleur de la trahison ne s’effaçait pas si facilement après tous ces aveux… Ces quelques années d’amitié étaient basées sur des mensonges… Tout ce temps, elle se doutait de qui il avait pu être et ne lui avait rien dit. En un sens, il comprenait, sachant bien qu’il avait repoussé tous les gens qui étaient venus en clamant trop directement savoir qui il était. Ça lui faisait toujours peur. Voir la tristesse de ne pas être reconnu, se sentir comme un monstre insensible de ne ressentir aucune émotion en voyant ces visages « familiers »… Sang Min n’avait jamais supporté, donc s’était toujours refermé. Erin lui avait apporté quelques éclaircissements, confirmant à moitié ses craintes, lui proposant son aide afin de les confirmer officiellement… Peu importe ce qui arrivait, elle ne le laisserait pas tomber, c’était toujours ça de rassurant. Mais de quoi était fait son avenir à présent ? S’il était bien cet Hideto, il aurait la possibilité d’en apprendre sur son passé… mais ne serait-il pas étouffé par la culpabilité de revoir des gens qu’il ne connaissait plus ? En plus, Erin n’est pas en bons termes avec eux. C’est stupide, mais cela met quelques freins au jeune homme… ça les rend encore plus effrayants pour lui. Il y a aussi le problème que s’il est bien ce nippon… il est possiblement le demi-frère que Tomoya recherche et il ne sait pas quel impact cela aura sur leur amitié. Le médecin a été son premier ami, le perdre serait … l’amnésique ne veut même pas y penser.

Or, s’il n’est pas cet Hideto, Sang Min retournera à sa case départ… À se poser mille questions dont les réponses sont enterrées bien profondément dans son cerveau, à s’inventer de plus horribles personnalités encore et de plus nombreuses raisons de se détester… Il n’a presque pas fermé l’œil, après sa discussion avec Erin. Son lit lui semblait froid, piquant même, donc il a fini par se lever et abandonner l’idée de dormir. Tentant d’échapper à ses pensées, l’auteur a cherché à se plonger dans le travail. Il doit terminer ce roman pour le mois prochain, après tout. La musique noyant la pièce, il était assis en tailleur devant son ordinateur. Les mots déferlaient par moments, tout comme ils s’arrêtaient net, le boudant et le laissant fixer un écran lumineux pendant de longues et interminables minutes. Il luttait contre tout ce qui se passait en lui, tous ces conflits semblables à des bombardements… Sang Min n’avait même pas vu passer l’heure, de larges valises violacées s’étaient installées sous ses yeux, lorsqu’on sonna à sa porte. Il avait haussé un sourcil, puis baissé le regard au coin droit de son écran. L’heure l’avait attaqué sans retenue, lui faisant comprendre qu’il avait passé une nuit blanche et qu’il était déjà l’heure de son rendez-vous avec son éditeur. Il soupira longuement, passant une main dans ses cheveux en bataille et se leva pour aller lui ouvrir. Son éditeur a l’habitude de le voir dans toutes sortes d’état, mais cela ne l’empêche pas de s’inquiéter lorsqu’il le voit mal. Sang Min le laissa entrer et lui expliqua ce qui lui causait tant d’émotions, n’ayant plus de secrets pour cet homme après toutes ces années à travailler ensemble.

Son aîné l’envoya à la douche, ils avaient prévu quelques trucs aujourd’hui quand-même et l’auteur ne voulait pas les annuler. Ils passèrent ainsi la journée à travailler, discutant de ce qu’il restait à faire pour le roman, comment il pensait en faire la promotion, le fait qu’un producteur était intéressé à en faire un projet… Évidemment, son éditeur lui disait de se concentrer sur la rédaction de ce troisième tome, avant le reste. Il lui disait aussi de ne pas trop se prendre la tête avec les histoires du passé et que les gens qui en valent la peine restent toujours. Sang Min appréciait ses bonnes intentions, mais il était difficile de ne pas y penser, ne pas stresser… ne pas s’imaginer le futur… chose qui lui faisait de plus en plus peur. En début de soirée, le coiffeur de l’artiste se joignit au duo, venant refaire une tête potable au jeune homme. C’était prévu depuis un moment, mais l’amnésique avait complètement oublié. Son éditeur vit la chose comme une bonne idée, se disant qu’un changement léger et contrôlé par le suicidaire lui ferait sûrement du bien. Ses cheveux décolorés gagnèrent ainsi quelques teintes plus chaudes. Sang Min n’était pas trop convaincu, mais il ne l’aurait pas été par aucun résultat. Le problème n’étant pas le travail de son coiffeur, mais bien le reflet que lui offrait le miroir…

Il sursauta, le lendemain matin, en croisant son regard dans le miroir. Il avait oublié ce changement qu’il s’était imposé. Une grimace se dessina sur son visage. Il passa sa main dans ses cheveux, les tirant un peu, les décoiffant et les recoiffant. Il n’y avait rien à faire, il était toujours moche. Découragé, il se disait qu’au moins, cette couleur restait loin du noir naturel d’Hideto… Le nippon se mordilla les lèvres, sentant les angoisses revenir caresser sa nuque avec leurs longues griffes acérées. Peut-être que c’est lui, peut-être que non… Il y a un moyen de le savoir, mais il n’arrive même pas à se décider à franchir ce pas. Qu’est-ce qu’il peut être pitoyable quand-même ! Il s’assit par terre, au pied de son lit et se recroquevilla sur lui-même, se prenant littéralement la tête. Ses mains couvraient ses oreilles, comme si ça allait empêcher les pensées d’y entrer… Or, ça n’avait aucun effet. Lentement, il se sentait craquer de nouveau. Il lui fallut un moment avant de reprendre un semblant d’esprit et se relever. Il traîna les pieds jusqu’à son téléphone sans trop de convictions et lança une bouteille à la mer, après avoir hésité. Une seule personne pourrait l’apaiser… pas seulement l’écouter et tenter de lui changer les idées, mais vraiment le calmer. Qu’allait-il faire si Ki Tae ne répondait pas ou ne pouvait pas venir ? Il y a des réponses qu’il vaut mieux ne pas savoir… Ayant une réponse positive de son ami, Sang Min le remercia et se força à s’habiller. Un t-shirt ample blanc, une chemise, un jean bleu délavé… Rien de compliqué. Il couvrit ses cicatrices avec du fond de teint, n’ayant pas envie de l’accueillir avec les traits tirés d’un cadavre qui ne trouve pas le sommeil depuis deux nuits… avec ça en plus ! Ensuite… le temps avait passé, mais… l’amnésique n’avait rien fait ? Ou peut-être qu’il avait fait des trucs, en mode automatique. Il ne saurait même pas dire lui-même ce qu’il a fait. Son regard était toutefois encore scotché à son écran, se faisant du mal sur une de ces vieilles photos qui ne réveille pourtant aucun souvenir, lorsque la sonnette le ramena à la réalité.

-« Merci… d’être venu… » fut la première chose qu’il lui signa, après l’avoir laissé entrer.

Son teint était livide, malgré ses efforts pour lui donner un peu de couleur. Ki Tae pouvait facilement voir que le jeune homme n’allait pas bien, même s’il était celui qui l’avait invité. À vrai dire, Sang Min le regrettait à présent. Il avait peur que le sourd ne soit découragé par ses douleurs et ne soit dégoûté par cette facette tristement réelle de l’artiste. Il n’osait pas le regarder et semblait presque chercher à se cacher dans ses vêtements trop grands.

-« Je suis… désolé… Je t’ai sûrement dérangé… » signa-t-il finalement, encore plus nerveux. « Mais je… » commença-t-il avant d'abandonner, baissant les mains et la tête en soupirant.

Il était content de le voir, il ne faut pas se tromper. Mais… était-ce vraiment une bonne chose ? Non, ça devenait dangereux. Comment Ki Tae avait-il réussi à devenir si important, si rapidement ? Sang Min avait-il vraiment besoin de s’ajouter ça, maintenant ? Voir le sourd partir, blasé d’avoir été inviter chez quelqu’un qui ne sait même pas s’il veut continuer de vivre, ne serait-il pas trop difficile pour lui ?

L’impossible qui se passait pour Ki Tae. L'impensable. L’improbable même ! Ce rapprochement avec cet homme. Cet artiste. Il ne réalisait même pas que les choses s’étaient passées devant son nez et que l’évidence s’était posée d’elle-même. Ki Tae était complètement en train de tomber pour Sang Min. Pourtant c’était bien des sentiments qu’il s’était interdit de ressentir. Il ne voulait pas s’attacher le sourd, pas depuis l’humiliation publique que son ex lui avait fait subir, pas après l’année de torture qu’il avait vécu après. Pas après qu’il ait essayé de finir ses jours à cause de ça. Il ne le montrait Ki Tae, mais il était terriblement fragile, terriblement flippé et paniqué. Rares étaient ceux qui s’étaient rendus indispensable à sa vie. Yoon Ji ? Jin Hwa ? Il y avait bien eu cette personne, cet homme Ezra, ça avait commencé avec une histoire de fesses, une histoire répétée encore et encore, des doux réveils dans les bras de son aînés, des petits déjeuners au lit. Et la panique quand il avait réalisé qu’il commençait à trop aimer ça. Il avait fuit, lâchement, oubliant volontairement de répondre à Ezra, faisant exprès de ne plus croiser sa route, un vrai fantôme professionnel. Il lui avait fait mal, Ki Tae avait très bien qu’il avait fait souffrir l’infirmier, mais égoïstement, il préférait que ce dernier souffre plutôt que de revivre un traumatisme lui-même.

Alors pourquoi Sangmin s’évertuait à faire comme personne d’autre ? Pourquoi il était si unique ? Si différent. Il n’avait pas frapper dans l’armure qui s’était forgé Ki Tae au fil des années. Non rien de ça, sans s’en rendre compte il avait trouvé les failles et s’y était glissé dedans sans le vouloir? Ils étaient trop similaires et Kiki avait le sentiment de comprendre le dessinateur comme personne d’autres. Il comprenait toute sa souffrance. Tout ce qui faisait qu’il pouvait se vouer une haine sans fin contre sa propre personne. Et il voulait sincèrement lui faire changer de point de vue sur lui. Et ce lien n’avait cessé de se renforcer, les deux se rapprochaient à tel point qu’ils avaient fini dans le même lit… et… pas pour coucher ? C’était bien la première fois que le jeune sourd terminais dans le lit d’un homme pour ne pas se faire sauter, non rien de tout cela. Il avait simplement dormi dans les bras de l’artiste, se blottissant comme un petit animal. Il fallait dire qu’après la fête chez Hana, il avait senti toute la détresse de son ami. Il avait bien senti que ça n’allait pas, alors il s’était efforcé d’être présent pour lui. De lui envoyer des sms régulièrement. Accro ? Probablement. L’assumer ? Une autre histoire. Mais le fait était que là, Ki Tae ne prenait pas la fuit. Ki Tae ne pouvait pas fuir et abandonner Sang Min, jamais. Il avait pensé à lui, très souvent, trop souvent, tellement qu’il avait même fini par en parler à sa noona pour lui demander son avis, pour dire à quel point c’était important. Pour dire à quel point Sang Min et Yoon Ji comptaient dans sa vie.

Les journées étaient devenues longues très longue. Kiki avait perdu son travail au sushi shop, pas à cause de ses performances en temps qu’homme de ménage, mais bien parce que la boutique avait plié bagage, le gros désarroi. Et trouver un travail était très compliqué dû à son handicap. Et même s’il se forçait à mettre ses appareils, il n’empêchait que le sourd ne parlait pas, alors ça limitait beaucoup sa communication aux autres. Il avait essayé de rencontrer quelques employeurs, mais ce fut un refus à chaque fois. Ce fut le lendemain qu’il reçu un message de Sang Min. Il avait gardé sa tenue de cocooning qu’il avait porté à son appartement il avait juste pris la peine d’arranger ses cheveux décolorés avant de filer chez l’auteur dans sa fameuse église. Rapidement arrivé, il sonna à la porte et attendit que son ami vienne li ouvrit et quand il le vit, Ki Tae sentit son coeur battre beaucoup plus vite, et l’inquiétude grimper en lui. Dieu qu’est-ce qu’on avait fait à son Sang Min adoré ? Il resta figé quelques instants avant de vite rentrer. Il regarda son ami et dès qu’il eut terminer, il le regarda avec des grands yeux à chemins entre la tristesse et la tendresse profonde qu’il ressentait pour l’artiste. Sans chercher à comprendre il posa ses deux mains sur les joues de son ami et lui fit tourner le visage vers lui pour s’assurer qu’il le regardait bien dans les yeux. Et il secoua la tête, non il ne le dérangeait pas, jamais. Il finit par venir poser son front contre celui de Sang Min avant de fermer les yeux. Il n’aimait pas le voir si mal, si fatigué. Il voulait le prendre dans ses bras et ne plus le lâcher et peut-être l’embrasser. Après quelques dizaines de secondes il s’éloigna, il signa tout en regardant Sang Min sérieux.

- Tu ne me dérange pas. Tu ne me dérangeras jamais. Il lui offrit un grand sourire tendre. Appelle moi n’importe quand s’il te plait.

Il en avait besoin pour se rassurer, pour savoir qu’il était en vie. Pour le voir, pour la présence de son ami à ses côtés qui devenait de plus en plus nécessaire à sa vie. Il le regarda avant d’ajouter en baissant les yeux à cause de ce qu’il allait dire avec ses amins.

- Je suis là… repose toi sur moi. Ki Tae leva son bras pour glisser sa main derrière la nuque de Sang Min et l’inviter à se pencher sur son épaule alors que l’autre bras se glissait dans son dos pour l’étreindre tendrement. Il ne partirait pas, jamais. Il ne pouvait plus partir.

L’auteur était dans un état plutôt lamentable. Les traits tirés, le teint livide malgré ses tentatives de le colorer avec un peu de maquillage… Tomoya lui avait dit de ne pas s’en faire, qu’ils pouvaient faire comme s’ils n’avaient rien découvert. Erin lui avait dit qu’elle l’acceptait, peu importe qu’il soit Hideto ou Sang Min ou les deux. Même qu’elle lui avait proposé de l’aider, de l’accompagner si jamais il voulait aller faire des tests ADN pour essayer de clarifier la situation. Quelques gouttes de sang, un laboratoire, il pourrait savoir s’il est bien le petit frère de Tomoya, le cousin d’Erin… s’il a une famille, qu’il a complètement oublié et qui le terrifie déjà. Tout se passe bien avec Erin, puisqu’ils n’étaient pas proches, ils se connaissaient apparemment peu… donc, elle n’attend rien de lui. Le fait qu’il ne l’ait complètement oublié ne l’a pas blessé. Hélas, ce ne sera pas comme ça avec les autres. Ce serait à la fois trop « facile », mais aussi douloureux, que tout le monde ne s’en fiche qu’il ait perdu la mémoire. Le nippon était apparemment plus proche des autres, puisqu’ils en veulent à Erin d’avoir été la seule à réussir à se rapprocher de lui… Cela veut donc dire qu’ils auront des attentes, en le rencontrant, non ? Ils ne pourront qu’être déçus… Ils poseront sur lui ces regards brillants, pleins de souvenirs, d’espoirs… et lui, il ne pourra les voir que comme des inconnus dont il ne sait rien. Il sentira la culpabilité de son accident l’écraser, le réduire en miettes. Sang Min sera le méchant qui a volé leur Hideto, qui n’est pas devenu ce qu’ils avaient toujours imaginé, qui n’est plus celui qu’ils ont connu et perdu, cinq ans plus tôt.

Il se change les idées, se concentrant sur son travail, mais ses soucis ne cessent de lui revenir. L’amnésique sait qu’il pourrait en parler à Erin, mais… a-t-il envie d’en parler ? Il n’en est pas certain. Il a envie de… respirer. Aussi étrange que cela puisse paraître. La jeune femme ne lui met pas la pression, il le sait. II se la met lui-même. Voir Ki Tae lui a paru être le meilleur moyen de se calmer, de sortir un peu de tout ce qui le tire sauvagement vers le fond… mais maintenant qu’il est là ? Sang Min panique un peu. Est-ce vraiment une bonne idée de lui avoir demander de venir, alors qu’il va si mal ? Se montrer si vulnérable… si con… si… vrai ? N’est-il pas trop tôt ? Il est vrai que le jeune sourd a vu ses cicatrices, mais… il n’avait vu que le résultat final, pas l’état dans lequel le suicidaire se trouve avant de passer à l’acte. Le voir figé comme ça, il sentait son cœur se serrer, craignant d’avoir fait une erreur. Il le remercia d’être venu, même s’il en excusait presqu’aussi rapidement. Il aurait dû être fort, il aurait dû être capable de se calmer tout seul et ne pas embêter personne… Il avait baissé la tête et les yeux, se sentant trop mal pour le regarder plus longtemps.

Cependant, Ki Tae l’avait surpris en venant poser ses mains sur ses joues et en lui faisant relever la tête. Il avait hésité, mais avait finalement coopéré, les joues rouges et le regard fuyant tout de même. Pourquoi son cœur se serrait-il de nouveau, en le voyant ainsi hocher la tête ? Il se serrait, mais se réchauffait en même temps ? L’artiste était confus de ses propres réactions… il s’en voulait de mêler Ki Tae à ses histoires, le déranger en étant une loque vivante… mais il lui était aussi reconnaissant d’être là et de lui dire qu’il se trompait, quand il pensait être une nuisance. Il hésita à reculer, embarrassé, en le voyant s’approcher mais ne le fit pas et se laissa plutôt faire. Le contact était simple, doux… rassurant. Sang Min l’observa quelques secondes, nerveux, craintif, hésitant… mais il finit par se calmer et l’imiter, fermant plutôt les yeux. Il leva lentement les mains, ses doigts se repliant vers les paumes de ses mains, comme si eux aussi hésitaient à coopérer et étaient gênés aussi. Ses doigts vinrent toutefois s’accrocher à son haut, le retenant comme s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage dont il avait absolument besoin. Réflexion faite, c’était un peu ça, justement… Sans qu’il ne réfléchisse, son visage s’était rapproché du sien, tout naturellement. Il pouvait sentir sa respiration se mêler à la sienne… puis, Ki Tae s’était éloigné, ramenant Sang Min à la réalité. Qu’avait-il failli faire, cet idiot ? Pourquoi ? Il n’aurait pas agi ainsi si ça avait été quelqu’un d’autre, il le sait. Le rouge aux joues, ses doigts relâchèrent le haut de son modèle et se recula d’un pas, avant de passer sa main sur son visage. Il avait besoin de faire le vide, d’agir de manières rationnelles, ne pas complètement perdre la carte. Ce n’est pas maintenant, alors qu’il touche le fond qu’il devrait se rapprocher de qui que ce soit… Encore moins alors que son prochain roman sera publié dans les mois à suivre et donc, l’attention médiatique sera de nouveau sur lui… Les attaques haineuses regagneront en énergie et en nombre…

Sang Min est une bombe à retardement, il l’a dit lui-même, la veille de sa rencontre avec Ki Tae. Le fait qu’il ne l’ait dit à ce moment précis… n’était-ce pas un signe ? Le voilà qui s’enfonce de nouveau, la panique le regagne malgré lui. Il craint d’avoir mal fait, s’en veut d’avoir presque commis quelque chose… Le sourd lui en aurait voulu aussi, non ? Il l’aurait peut-être tapé… et serait parti.

-« Tu ne me dérange pas. Tu ne me dérangeras jamais. »

Oooohh… s’il savait ce qui vient de passer par la tête de l’artiste, il serait définitivement dérangé ! Il se mordille les lèvres, baissant les yeux, beaucoup trop gêné par ses pensées. Son regard capte tout de même que les mains de son ami se relève et il observe quand-même ce qu’il lui dit.

-« Appelle-moi n’importe quand s’il te plait. »

Sang Min entrouvre les lèvres, mais les referme et tourne la tête. Il ne voulait pas l’inquiéter… il voulait simplement… respirer…  Il aurait dû réfléchir plus longtemps avant d’envoyer ce message.

-« Tu… veux… quelque chose… à boire… ? » finit-il par signer, essayant d’avoir l’air calme.

Il changeait de sujet, oui. Il était visiblement mal à l’aise, encore gêné par ce qu’il avait failli faire. Peut-être que c’était les émotions qui lui faisaient faire n’importe quoi ? Il était si confus… Rien ne semblait vouloir être simple pour lui, mais il ne voulait pas inquiéter Ki Tae avec ses histoires pathétiques.

-« Je suis là… repose-toi sur moi. »

L’amnésique releva les yeux vers lui, sursautant en le sentant passer sa main sur sa nuque. Qu’est-ce qu’il faisait ? C’était dangereux, Sang Min pourrait faire une connerie… ou craquer… fondre en larmes… Il se raidit, quelques secondes, ayant peur de ce qui allait suivre. Il finit toutefois par se rapprocher, craignant encore plus que Ki Tae ne se méprenne sur son refus, mais aussi parce qu’il en avait besoin et qu’il le savait. Autrement, il n’aurait pas lancé cet appel à l’aide… Il se rapprocha, lentement, puis finit par passer ses bras autour de lui. Son étreinte était d’abord timide, maladroite, il ne savait pas s’il pouvait se le permettre… Il vint nicher son visage contre son cou, fermant les yeux et se laissant enveloppé par son parfum, ses bras, sa douceur… Ses bras se refermèrent plus fort autour de son modèle, ses doigts serrèrent son haut, s’y accrochant de nouveau. Ses épaules se mirent à trembler, alors qu’il se mordait violemment les lèvres et essayait de retenir ses larmes. Le temps passait, il craquait… C’était trop en même temps, trop de choses qui s’accumulaient, trop de décisions à prendre, de stress qui s’empilait. Sang Min finit toutefois par se calmer un brin, il relâcha doucement son étreinte et essuya rapidement ses larmes. Il se sentait mal d’avoir réagi comme ça… embarrassé, aussi. Son regard évitait clairement celui de son ami, alors qu’il reculait d’un pas pour lui redonner son espace personnel.

-« Désolé… Je… n’ai pas vraiment… dormi… depuis… la dernière fois… Ça me rend… » expliqua-t-il, gêné.

Il inspira profondément et soupira encore plus longuement, passant sa main sur ses yeux.

-« Je me concentre sur le travail… pour ne pas penser… mais… j’aurai bientôt fini d’écrire le roman… et… je ne pourrai pas… continuer éternellement… » finit-il par admettre, même si c’était dur.

Sang Min en avait conscience et c’était bien ça qui rendait ses pensées si asphyxiantes et brûlantes. Au fil de leurs rencontres, le jeune homme avait partagé à son ami qu’il était amnésique, ne savait pas qui il était, ni qui il avait été… Il avait choisi son nom et son prénom, parce que se faire appeler « monsieur X » ou le « patient inconnu » devenait lourd. Mais ce n’était pas comme ça qu’on l’avait appelé les premières années de sa vie. Il n’avait pas de date d’anniversaire comme tout le monde, ne se rappelant pas quand il était né… On célébrait donc son anniversaire, le jour de son réveil suite à un long comas… Il n’avait pas de souvenirs d’avant ce fameux réveil… pas d’amis ou de connaissances datant de plus de cinq ans, son premier ami ayant été le médecin qui l’a traité.

-« On peut… s’asseoir… ? » demanda-t-il, timidement, en relevant les yeux vers lui.

Il était chez lui, alors pourquoi demandait-il ? Il était trop nerveux, surtout qu’il pensait à possiblement lui admettre ce qui le tracassait… ces histoires d’être ou ne pas être Chiba Hideto…

Un simple message avait suffi pour que le plus jeune se presse à l’appartement de Sangmin. Juste un sms. Un rien du tout et il avait acouru. Le fait était qu’il n’avait agi comme cela avec… personne ? Du moins si, avec son ex par le passé, il avait eu ce genre de comportement. Et il recommençait, signe de son attachement à l’écrivain, mais ça il ne l’avait pas dit, probable qu’il ait trop peur d’assumer ce qu’il se passait dans son petit coeur et de se rendre compte que l’artiste y occupait de plus en plus de place. Pourtant les faits étaient bien là. Ses réactions parlaient pour lui, ses expression étaient tant d’aveux pour son ainé. Non il se le dérangeait pas, sinon il ne serait pas aussi vite chez lui, sinon il ne serait pas si inquiet pour lui. Sinon il ne serait pas si affectueux avec lui, si tendre. Front contre front, dieu qu’il aurait aimé l’embrasser, mais il se retenait, il se retenait encore, personne ne méritait un fardeau comme Ki Tae, parce qu’il avait il avait toujours terriblement et dans le fond, il avait peur de faire souffrir l’écrivain, de l’accabler un peu plus.

Il s’était reculé pour lui parler, agitant ses petites mains. Il sourit tendrement à son ami, il voulait qu’il sente à quel point il était important pour lui. Mais Sang Min ne semblait pas à son aise, Ki Tae le voyait bien. Son handicap le rendait plus attentif que la moyenne, et surtout il avait appris à comprendre les microexpressions, les regards qui partent d’un côté, le sens d’une jambe qui se secouait, toutes ces gestuelles qui traduisaient les émotions des gens. Il se contenta de hocher la tête, pourtant il l’invita carrément à se reposer sur lui, à poser la tête sur son épaule, même si ça le courbait parce que Kiki n’était pas si grand que ça. Il passa doucement son bras autour de sa taille et le calina. Ki Tae était tactile, mais avec Sangmin, ce trait était plus exacerbé, il en avait conscience. Il avait ce besoin aussi viscéral que inconscient de toucher son aîné. Et il ne le réalisait pas, tout ça était naturel. Et quand Sang Min se laissa aller et lui répondit, doucement il lui caressa le dos, tout doucement. Et il sentait bien que l’interne devait plus forte. Il ne parla pas, il se contenta de continuer ses caresses pour l’apaiser, ses doigts allant parfois s’égarer dans ses cheveux. Et quand il sentit la prise de l’amnésique se desserrer, il le regarda et hocha la tête, il avait compris, il était à fleur de peau. Il continuait de regarder l’écrivain de ses grands yeux noir si expressifs, même si lui fuyait du regard. Mais il attendit patiement qu’il le regarde à nouveau, ce n’était pas facile pour Sangmin, il le voyait bien, il avait eu ce flot d’émotions intenses qu’i avait laissé échapper. Et juste pour Ki Tae était content d’avoir pu l’aider à commencer à se décharger.

Il hocha doucement la tête quand il proposa d’aller s’asseoir. Le petit blondinet se contenta de venir glisser sa main dans celle de l’artiste avant de l’attirer dans son domicile. Oui il prenait un peu les choses en main, mais Sangmin l’avait autorisé à le faire. Puis en soi, il connaissait déjà l’appartement de ce dernier, il y était allé plusieurs fois, il avait même posé nu après tout. Puis il s’y sentait un peu comme chez lui en plus de tout cela. Silencieusement le plus jeune alla jusqu’au canapé et vint s’asseoir avant d’attendre que son aîné en face de même. Il le regarda droit dans les yeux, posant sa main sur la sienne. Les yeux perçant qu’il partageait avec son père biologique qu’il n’avait pas encore découvert. Il finit par reprendre ses pour commencer à s’exprimer.

- Explique-moi, depuis le début. Tu sais que tu peux tout me dire, absolument tout. Il posa sa main sur la sienne et vint glisser ses doigts entre les siens, il savait que comme ça, Ki Tae ne pourrait plus parler en langues des signes, mais ça tombait bien aujourd’hui, c’était à Sangmin de s’exprimer. Alors il pris une longue inspiration pour parler comme il le pouvait, il se forçait parce Sang Min lui avait dit aimer sa voix et plus vouloir l’entendre, alors il dépassait ses craintes. Je… suis…. là. Il avait parlé doucement pour ne pas se tromper, mais le plus jeune avait mis ses appareils et il pouvait entendre sa propre voix, mais surtout de son artiste préféré. De sa personne préférée.