[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ◈Enfin sorti des courses du samedi matin, véritable épreuve de force, pour une jeune père de triplets qui sème le chaos partout où ils passent. Oh ils ne cassent rien en soi, et ne font pas plus de caprices dans les magasins, chose qui serait difficilement gérable si les trois se mettaient à se rouler par terre d'un coup, imitant à la perfection l'hybride rejeton d'une serpillière et d'un petit chien qui n'a pas eu sa gatterie, parce que oui à n'en point douter, il y aurait pu avoir des couinements avec. Les triplets étaient semble-t-il de cette rare conception aléatoire qu'on attribue à un terme bien précis le
« hasard ». Imprévisibles, surprenants, épuisants, à vous donner le tournis, on les redoute mais au fond, ils ne sont pas bien méchants. Tout le contraire du courroux, terrible punition infligé avec ou sans raison. Non, les triplets n'étaient pas du courroux les héritiers, juste une dose un peu trop forte d'adrénaline et de hasard. Oui. Il fallait s'en faire une raison, sans quoi, on pouvait finir comme le facteur : traumatisé par une boite aux lettres piégés, qui l'incitait davantage à laisser les lettres sur le perron, ou les jeter carrément sur la pelouse quand les gosses étaient dehors et qu'il faisait beau. Un peu de professionnalisme quand même l'obligeait à estimer sur l'herbe possiblement mouillée allait bousiller le contenu des enveloppes ou pas, dans quel cas, il osait ouvrir la boite aux lettres et souhaitait bien souvent être définitivement à chaque fois de quartier. On a tous eu un moment de notre vie, ou l'on s'est dit : Plus jamais. Lui, il se le disait tous les jours. Pauvre lui. Ils devraient exiger une prime de risque.
Aujourd'hui, pourtant, le pauvre homme serait tranquille, à moins que l'une de ses trois petites merveilles n'aient eu le temps de piéger la boite avant de monter dans la voiture. C'est si facile de duper papa qui est déjà bien débordé. Ils sont petits, mais loin d'être sots et suffisants et c'est tout une affaire que d'entreprendre de leur payer un chocolat chaud et une brioche alors qu'il fait froid dehors et que la voiture, un genre de vieille Kia Carens grise de 2006, attend lourdement chargée à quelques pas de là. Le tiers de son salaire est passé dans les courses comme d'habitude, mais au moins, ils ont de quoi tenir.
Le plateau se charge lentement de la commande dans cette petite brasserie de commerce, et Jitae voit déjà que les trois petits diables s'impatientent. So Ram fait voler ce dragon qu'il ne quitte jamais, avec un bruit d'avion. Il faudrait qu'il lui dise un jour qu'un animal n'a pas de réacteur, mais il évite pour le moment des fois qu'il prendrait l'idée au gamin de démonter un avion de son frère pour ficeler aux ailes du dragon les moteurs à réaction avec les lacets des chaussures de sa sœur. Eu Mi, elle, cherche autour d'elle un prince à aller embêter. Si on l'écoutait, elle aimait tous les hommes de la planète, si tant est qu'ils aient les yeux bridés, qu'ils soient gentils, pour ne pas dire à son service, et qu'il aime aussi lui offrir des fleurs. Jitae n'en revient pas qu'elle ait déjà des priorités de tombeuse à six ans et se promet de lui interdire les boites de nuits avant au moins ses trente ans. Quoi, c'est trop tôt ? Elle sera mignonne, séduisante, et bien élevée ok !
Pour les deux premiers critères, elle est sur la bonne voix, pour le troisième en revanche, elle se donne un malin plaisir à faire les puppy eyes même aux inconnus. Si on la laissait faire, elle persuaderait même un sdf de lui filer son gobelet de pièces. Elle n'a aucune idée de la gravité de son pouvoir, mais elle l'a, alors comme toute gamine ingénu, elle en abuse. Et la prochaine cible, malheureuse, malheureuse, se trouve justement dans le café. En parlant de café, Jitae s'en commande un grand ! L'aventure nocturne passée lui a prouvé que So Ram, grand écolo en devenir, qui trie déjà les poubelles et nourrit les oiseaux dehors, avait décrété de rendre leur liberté aux plantes d'intérieur et est sorti dans le jardin dans un élan de créativité, à trois heures du matin, pour creuser un trou dans la pelouse, et essayer d'y insérer le ficus , dernier en date acheté. Au grand damn de son père qui a suivi à la trace le petit, et qui a du tout arranger sous le clair de lune. Nuit blanche de mise donc. Il faut savoir qu'au début, l'objectif du petit, n'était que d'aller se chercher un verre de lait et que le verre de lait a fini dans les racines de m.ficus parce que So ram était et est encore persuadé, que le calcium c'est aussi bon pour les os de la plante. Il sent déjà l'odeur de son café lui embaumer les narines quand d'un coup , plus de bruit. Du moins pas celui venant des triplés. Oh. Jamais bon signe. Il les cherche du regard et les trouve tous les trois, le nez à la table d'un jeune homme, en train de dessiner. Bah voyons. Ça lui aurait été, après la récente découverte de leur intérêt particulier pour la peinture et le dessin.
So Ram le fixe comme un chat. Jun Go lui fait mine de positionner son dragon sur la table pour qu'il regarde aussi la pauvre victime qui ne sait pas dans quelle galère elle vient de se mettre sans le vouloir. Et Eu Mi, dans sa petite robe blanche et ses collants rayés de jaunes et rouges, contourne la table, les mains derrière le dos, en dévisageant l'inconnu, l'analysant plus ou moins pour savoir s'il ferait possiblement un bon candidat au mariage pour quand elle serait grande. Elle finit par s'arrêter à coté de lui pour voir ce qu'il dessine et ouvre en grand les yeux. On dirait que ça l'impressionne. Tout de suite, l'information monte à son cerveau, et tel le chat poté, ses yeux s'agrandissent presque.
« Tu sais dessiner les princesses ? » Et So ram qui grimace et lui râle dessus.
« C'est nul les princesses, c'est mieux les dragons. » « Non les dinosaures » conteste Jung Go, dont le nez ne quitte la table que pour imiter le T-REX sur son frêre et se prendre un coup de dragon dans la tronche. Il commence à gémir sous le coup, un bruit un peu mou et glutineux sortant de ce visage qui se déforme lentement, annonçant ce qu'on appelle vulgairement le
« chialement », cri reconnaissable du gaminus vexus, et finissant généralement par une baston générale. Mais Jitae arrive à ce moment et pose vaguement le plateau chargé sur un rebord de table, le reste de la cafétéria étant plein. Sa voix est calme et sérieux, mais il est un peu gêné envers le dessinateur qui n'a rien fait pour recevoir cette attention en triple, dont bien des gens auraient pleuré l'arrivisme écrasant dont ils auraient été victime.
« Chhh.... arrêtez d'embêter le monsieur. Excusez-vous. Allez... et on s’assoit gentiment. » Eun Mi s'excuse poliment avec une petite voix tout douce, mais ses yeux ne dégrossissent pas, elle n'a pas oublié qu'elle voudrait de lui dans sa liste de futurs époux. Jun Go lui, a repéré les gâteaux, donc c'est fini on l'entend plus. Quant à So Ram, il ne s'assoit pas et va voir le jeune homme.
« Tu sais ce que c'est un dinosaure ? » La question paraît idiot mais quel enfant de six ans et sensé savoir que tous les grands connaissent les dinosaures ? Peut-être bien qu'il a le seul livre de la terre qui en parle ! Et même s'il aime les dragons, indirectement, il veut faire plaisir à son frère après l'avoir assommé. Si cet homme ne connaît pas alors il se fera un devoir de corriger cette injustice. Les T-rex méritent d'être connus.
« C'est quoi ton préféré ? » « So Ram, laisse le monsieur... » soupire Jitae en distribuant les brioches et les chocolats chauds. Il prends quand à lui son café et demande à l'inconnu.
« Je peux vous offrir quelque chose pour m'excuser du dérangement ? »