Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Trois jours sans nouveaux clients. Il se redresse doucement et s’avance vers la grande baie vitrée de l’appartement, sa tasse de thé fumant entre les mains. Soupirant faiblement, il observe son reflet dans la vitre et plus loin, les lumières de la ville qui s’offre à lui. Inquiet malgré tout, il regarde à nouveau son téléphone et se connecte sur sa seconde boite mails, mais rien. Absolument rien. Hier, Mme Oh est venue et a exigé sa présence à l’appartement, l’obligeant à annuler un rendez-vous à la dernière minute, ce dont il a horreur. Mais on ne joue pas avec Mme Oh. Il ne peut pas dire non à un tel appartement, gratuit. Tout ce qu’une femme de cinquante ans souhaite, c’est qu’on lui fasse l’amour toute la nuit et qu’on la regarde comme si elle en avait encore trente. Se sentir encore belle, désirable, femme… Mais ce soir, rien à l’horizon et il pense déjà qu’il va manquer d’argent. Alors, il finit par vider sa tasse de thé fumant et quitte la baie vitrée pour n’y laisser aucune trace de son passage ou de son reflet. Ses pieds nus le mènent à la salle de bain et il entre dans la douche rapidement, laissant de la vapeur s’échapper un peu partout. Une fois propre et sec, il entre dans la grande chambre bien trop ordonnée et rangée, attrapant un haut fin à col roulé et un pantalon noir. Sa veste en cuir fera l’affaire et des boots aux pieds pour un côté rock chic.

Il part alors dans les rues de Séoul et arpente les endroits qu’il connaît bien. Discute, se fait offrir des verres, passe parfois des bons moments, qui restent des mécanismes malgré tout. Après tout, il est là pour gagner de l’argent. Un client lui tape dans l’oeil. Il l’approche, le séduit, le drague et finit par réussir à sortir de là avec lui, continuant son jeu de séduction jusqu’à la voiture de l’homme.

Mais soudain, on l’attrape par l’épaule et on l’envoie plus loin. On dit au client de se casser rapidement, ce qu’il fait sans demander son reste. « Tu croyais vraiment que t’allais chasser sur notre terrain sans qu’on dise rien ? C’est pas la première fois en plus qu’on te prévient ! » Il les regarde, essayant de ne pas se laisser impressionner et les pousse pour reprendre son chemin avant de se faire éjecter plus violemment dans un mur. « Oh la belle gueule. Tu vas nous écouter. Tu veux qu’on t’emmène voir notre boss ? T’as envie que ce soit lui qui te donne une leçon ? T’es juste un petit pd en manque de bites. T’as envie qu’on te montre c’que c’est que des vrais mecs hein ? » Il envoie son poing dans une figure en sentant l’un deux lui attraper l’entre-jambe et se retrouve vite plaqué sur le sol. Trois contre un, ça reste perdant de son côté, quoi qu’il fasse. « Lâchez-moi bordel ! Aaaah… » Il se débat, essaie de se libérer quand même, mais le poids des hommes sur son corps l’empêche de faire quoi que ce soit alors qu’ils commencent à le déshabiller, profitant de la ruelle sombre pour se dissimuler. Une écharpe lui bloque la bouche et l’empêche de hurler, mais une voix, sortie de nulle part arrête le massacre avant même qu’il n’est réellement le temps de commencer.

On le redresse de force, à moitié dénudé et son regard sauvage se pose sur l’homme face à eux. « Il tapine dans notre territoire sans même être du clan ou payer des taxes. On voulait juste lui donner une petite leçon ! » Il lance un coup d’épaule pour se libérer encore et finit par y arriver avant de se faire encore attraper, mais un nouvel ordre arrive, et on le lâche. Il retire alors l’écharpe et la jette plus loin, avant de commencer à se rhabiller en gardant son air de chat sauvage, prêt à griffer. Bandes de connards. Voilà ce qu’il veut hurler, mais il se contient pour sauver ses fesses.

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le temps commençait à se réchauffer... ça devenait agréable de ne plus avoir à porter un manteau épais pour rester dans des températures acceptables et pourtant, je continuais de penser qu'il faisait encore trop froid. Définitivement, tant que le thermomètre n'atteignait pas les 25°C, il fallait m'oublier. En sortant de mon entretien au restaurant avec l'une des collaboratrices avec lesquelles je travaillais en ce moment sur la question de rachats immobiliers, un frisson m'échappa donc et je m'enroulais rapidement dans une écharpe, avant de me mettre en marche pour faire un peu le tour du quartier. Qu'est-ce que c'était lisse, la corée... le niveau de violence visible en ville était cruellement bas, mais pour autant, je ne me faisais pas d'illusions sur les comportements adoptés par les gens, une fois mis entre quarte murs insonorisés... ah, non, les trafics et les mains-mises du système capitaliste et patriarcal faisaient peine à voir. Si je n'avais pas appris a la petite à se défendre par elle-même, sans doutes qu'elle aurait fini comme bon nombre de jeunes femmes dans son cas ; droguée et jetée dans un lit au bon vouloir de qui avait besoin de se vider les couilles. Système de merde. Tiens, en parlant de ça... il semblerait qu'il y avait de l'animation dans une rue à  droite.

Tsch, moi qui pensais simplement rentrer à la maison en toute tranquillité ce soir, ça n'allait visiblement pas être le cas. Silencieusement, je laissais donc mes jambes me guider en direction des exclamations et m'arrêtais en voyant un trio d'idiots se comporter comme des roquets bruyants, qui se croyaient malins parce qu'ils étaient en groupe. Bon. Arrêtant mes pas, j'observais la scène d'un air neutre et sortis mon briquet ainsi qu'une cigarette pour l'allumer, inspirant, puis recrachant la mort entre mes lèvres. « La définition de 'vrai mec' a bien changé en quinze ans... » Mon regard s'arrêta brièvement sur le prostitué déjà dévêtu et je le scannais rapidement pour garder son corps en mémoire, par pur réflexe méthodologique, avant de revenir d'autant plus froidement sur les jeunes qui avaient décidé de s'en prendre à lui en attendant leurs explications. « Il tapine dans notre territoire sans même être du clan ou payer des taxes. On voulait juste lui donner une petite leçon ! » Après quelques secondes de blanc utilisées à bon escient pour reprendre une bouffée de fumée, un soupir blasé finit par m'échapper et je regardais ma montre. « C'est parce que son tarif est trop élevé que vous avez besoin de le violer pour tirer votre coup ou parce que vous n'assumez pas vos penchants pour les queues ? Vous avez des loyers à récupérer à cette heure-ci, alors évitez de me foutre le bordel en pleine rue et faites ce qu'on vous demande. Dégagez-moi le plancher avant que ça commence à m'énerver. » L'avantage de la hiérarchie en asie, c'est que l'ascendant du plus haut gradé était quasi total sur les classes inférieures d'un système... ceci d'autant plus dans le milieu mafieux. S'ils ne m'écoutaient pas, ces trois là savaient très bien qu'il seraient tout aussi bien avec la langue ou l'oreille coupée d'ici quelques jours... je n'avais pas tellement d'empathie, lorsqu'il s'agissait d'éduquer les chiens mal-élevés.

Quelques instants plus tard, la situation se régla donc par un départ du petit groupe, non sans menaces au-préalables envers leur victime, histoire de se sentir intimidants, et je tournais un peu la tête pour vérifier que l'on s'était retrouvés seuls, avant de m'avancer un peu sous la lumière d'un lampadaire pour venir reposer mon attention sur le garçon sauvage, à travers mes mèches sombres. « J'éviterais de trainer ici à l'avenir, si j'étais toi. »

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« La définition de 'vrai mec' a bien changé en quinze ans... » Le son de la voix qui transperce la nuit noire le perturbe. C’est étrangement doux, presque tendre et pourtant si froid. Il a l’impression de l’avoir entendu quelque part. Une fois. Il y a longtemps ou non. Il ne sait plus. Pourtant, cette voix lui rappelle quelque chose ou quelqu’un. C’est à se demander qui ou quoi… Les autres balancent une explication pendant qu’on le tient fermement, les mains dans le dos, son pantalon baissé jusqu’aux genoux. Pour le moment, son boxer est encore en place et c’est un soulagement. Son haut malmené, laisse entrapercevoir son ventre fin et légèrement dessiné. L’homme reste encore dans l’ombre, il n’y a que le bout de sa cigarette qui peut réellement trahir sa présence, mais ce calme olympien n’est jamais bon signe. Il sait que s’il parle ainsi, c’est qu’il doit être bien placé. « C'est parce que son tarif est trop élevé que vous avez besoin de le violer pour tirer votre coup ou parce que vous n'assumez pas vos penchants pour les queues ? Vous avez des loyers à récupérer à cette heure-ci, alors évitez de me foutre le bordel en pleine rue et faites ce qu'on vous demande. Dégagez-moi le plancher avant que ça commence à m'énerver. » « Faut pas dire ça boss, on comptait pas utiliser nos... » L’homme qui le tient se fait frapper. On lui fait signe de se taire. Sans ménagement, ils poussent encore le jeune chinois, pour le cogner encore un peu dans un mur. Il sait qu’il aura le corps marqué le lendemain et qu’il devra se passer du fond de teint pour réussir à masquer les dégâts... Les menaces et les insultes reviennent rapidement. Il a l’habitude et se rhabille en voulant leurs balancer que les vrais enfoirés, ce sont eux. Mais non, il ne rentrera pas dans ce jeu.

Enfin, il se retrouve seul avec son sauveur du jour. Enfin, sauveur. Est-ce qu’un homme sans coeur peut vraiment être un sauveur ? Il semble si froid que c’est à se demander si quelque chose bat ou frissonne dans sa poitrine et le creux de son ventre. Il s’avance et Sin peut distinguer son visage grâce au lampadaire et sa lumière blafarde. Un visage unique, singulier, mais aussi, terriblement beau. Il ne peut pas le nier… « J'éviterais de trainer ici à l'avenir, si j'étais toi. » « Mais vous n’êtes pas moi… et si j’écoute chaque menace que je reçois, alors je ne pourrai plus sortir de chez moi. » Réajustant sa veste sur ses épaules, il s’incline néanmoins, car un geste a été fait, que ce soit pour lui, ou simplement, pour l’honneur du clan. « Merci. » Puis, ses mains touchent ses poches par réflexe et il gronde. « Mon portefeuille ! » Rah vraiment… Il se retient de hurler et regarde vers les type d’un air courroucé… Ses papiers, l’argent liquide qu’il avait. « Si c’est ça être un vrai homme pour eux, alors je préfère être un sale pd. » Son regard de biche se pose à nouveau sur l’homme face à lui et il soupire, se disant qu’il va devoir rentrer à pieds jusqu’à chez lui, et qu’il en a pour une bonne heure.

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Ah, quelle bande d'abrutis... dire qu'il fallait de ça pour exécuter les basses besognes. L'avantage des gens stupides, c'était qu'ils ne réfléchissaient au moins pas trop... je respectais autant que je me méfiais des personnes qui ne parlaient pas, ou qui semblaient chercher à trop comprendre certaines situation. Les comportements imprévisibles étaient ceux qui me posaient le plus de problèmes... or, avec des gamins enragés et violents, il suffisait généralement d'une carotte et d'un bâton pour gérer la chose.

Lorsqu'enfin, la rue fut à nouveau silencieuse, un soupir m'échappa et j'observais le garçon se rhabiller d'un oeil distrait, tout en lui glissant ma recommandation qu'il sembla ne pas vraiment vouloir adopter. Un haussement d'épaules fut ma seule réaction a sa réponse... et je lui lançais un nouveau coup d'oeil en entendant son remerciement, puis me retournais pour entamer ma sortie de l'allée dans laquelle nous nous trouvions. « Mon portefeuille ! Si c’est ça être un vrai homme pour eux, alors je préfère être un sale pd. » Nouveau stop. « En même temps, il semblerait que tu aies été prévenu par le passé. Il y a une différence entre courage et témérité. » Je jetais mon mégot et l'écrasais du pied. « Quel âge tu as ? »

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il allait s’en aller, l’autre. Il allait partir. Et puis, après tout, pourquoi pas. Il avait agi, il n’allait pas lui en demander davantage. Pourtant, Sin voulait le garder encore un peu. Il aimerait savoir, comprendre, pourquoi il lui rappelle autant quelqu’un qui reste flou. Savoir pourquoi son coeur se met à vibrer depuis qu’il a entendu sa voix. Alors il parle. Au fond, il parle pour ne rien dire. Il devrait s’en foutre, lui, en face, de ça. Pourtant, il le dit. Et lorsqu’il le voit arrêter ses pas… Il avance un peu. Juste assez pour ne pas le voir partir mais pour le voir mieux. « En même temps, il semblerait que tu aies été prévenu par le passé. Il y a une différence entre courage et témérité. » Ses mots résonnent encore, mais pas pour leur bon sens. Non, juste parce qu’il a vraiment l’impression d’avoir déjà entendu ça. « Quel âge tu as ? »

Cette fois-ci, il se fige un peu plus et des souvenirs remontent dans sa mémoire. Cette voix, il la connaît, il en est sûr. Il le sait… Sa main vient frotter sa nuque à un endroit précis, presque mécaniquement. Cette morsure, elle était si forte sur sa peau fragile qu’il a encore une trace légère du passage de l’homme sur son corps. Wei. Wei… Tu te souviens ? On se disait souvent qu’on voulait le retrouver. Lui dire merci. Merci parce que grâce à lui, on t’avait un peu sauvé cette nuit. Tu te souviens ? Oh Wei…

« 23… Monsieur. » Je le regarde avec une émotion intense. Vraiment. « C’était vous… Dans cet hôtel de luxe en Chine… C’était grâce à vous que Wei a pu… être épargné. » Je n’ai jamais parlé de cette nuit. Wei n’avait eu que l’apéritif. Et il n’en pouvait déjà plus. Cette femme avait un grain. Vraiment… Et quand son ami nous a rejoint et qu’ils m’ont retenu deux heures de plus, j’étais soulagé de savoir que Wei n’était plus avec eux. Wei… Il est là. « Merci… pour cette nuit-là. »

Lentement, il s’avance encore, assez pour être face à lui, le souffle douloureux. Sa gorge et son ventre sont noués. Il ne peut pas le nier. Repenser à ça est une souffrance réelle. Mais il peut enfin dire merci.

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La réaction du petit était plutôt étrange, on aurait dit qu'il venait de voir un fantôme... ou alors, c'était peut-être l'abus de drogue. Qui sait. Je ne pensais en tout cas pas avoir la gueule de quelqu'un qui pouvait subjuguer par sa beauté... mais vraiment, quelque chose semblait clocher. Peut-être que j'avais tué l'un des membres de sa famille et qu'il venait de réaliser ? C'était bien une des choses que je m'attendais à vivre un jour ou l'autre... me faire rattraper par les victimes collatérales de mes crimes... mais là encore, il semblerait que j'avais faux. « 23… Monsieur. » « Mons... ? » Mais qu'est-ce qu'il me chie ? Fronçant les sourcils, j'avançais encore un peu, comme pour mieux voir son visage, avant d'entendre la suite... qui m'arracha une très brève étincelle de surprise. La Chine, Wei, c'est bon, les pièces manquantes étaient en train de se remettre à leur place et je lâchais mon mégot par terre en sentant un trop plein de cendres tomber sur ma chaussure. Je m'en souvenais bien de ce petit aux grands yeux... son visage était vraiment beau, dans mes souvenirs. Il avait passé près de vingt minutes a pleurer dans le lit, après être sorti de la douche et j'avais finis par l'emmener sur le toit de l'hôtel pour lui éviter d'avoir a entendre les ébats, accompagnés de cris de douleur, dans les chambres d'à côté. Son ami, quand à lui, avait dû passer un sale quart d'heure, puis-ce qu'il avait décidé de prendre sa place... voila qu'aujourd'hui, il me faisait face, dans le fin fond des rues de Séoul.

C'était bien ça, le problème de la prostitution... c'est qu'on n'en sortait jamais vraiment. Des putes équilibrées mentalement, je n'en connaissais pas. Or, je ne voulais pas non plus savoir ce que ça créait dans l'esprit d'un adolescent, de voir son corps profané et objectifié. Est-ce qu'on pouvait encore vraiment se sentir humain et digne, après ça ? Dans le fond, il y aurait toujours une petite voix pour rappeler les faits : t'es sali, salope. Et est-ce qu'on pouvait vraiment aimer une salope ? La baiser, okay, l'appeler pour une nuit, passe encore, mais la respecter au même titre qu'un autre humain 'normal' ? Non. Ça se paye et ça se jette. C'est un objet qui a simplement l'apparence d'un homme ou d'une femme... mais qui a aussi moins d'importance, puis-ce qu'on peut lui mettre un prix dessus.

Or, un être vivant, ce n'était pas censé avoir de prix.

Mon regard resta longtemps posé sur celui de mon cadet, longtemps. Neutre, même si j'éprouvais de la pitié à cet instant précis. Pitié, injustice et colère, comme toujours. C'était tellement, tellement évident qu'il finisse là, a faire le trottoir pour vendre son cul... je n'imaginais pas qu'on ait pu le laisser vivre librement, depuis l'histoire de l'hôtel. Une vie gâchée de plus... et l'émotion qui semblait le traverser à l'instant accentuait mon impression. « Tu es sorti seul ? » Son ami ne s'était pas importé en Corée ?

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il pourrait presque trembler. Il ne pensait pas que de se retrouver face à lui serait aussi difficile en réalité. C’est comme si Wei et son beau sourire était là, avec ses bras posés sur son épaule à lui murmurer des mots doux à l’oreille comme il avait l’habitude de le faire si souvent lorsqu’ils pensaient que personne ne les regardait. Il le sent, là, contre lui et il sent que finalement, son corps se met réellement à trembler. L’homme semble surpris au début, mais il a aussi l’impression qu’il le reconnaît, qu’il comprend, qu’il remet les pièces dans le bon ordre. « Tu es sorti seul ? »

Cette fois-ci, il sent des larmes qui arrivent à ses yeux et qui les inondent rapidement. Ses poings se referment, comme pour refermer les vannes qui veulent pleurer. Il se sent comme un mendiant d’amour lorsqu’on lui parle de Wei. Ici, personne ne sait qu’il a existé. D’un côté, il se déteste de ça, car à cause de lui et de ses émotions, son ami ne peut exister que dans ses souvenirs et dans sa tête. Mais personne ne peut lui planter encore et encore cette dague qui perce son coeur dès que l’on évoque le nom de son ami.

Alors là, il se sent démuni. Seul. Impuissant. Faible. Mais ce soir, Wei existe encore un peu. Encore un peu, et pas seulement à ses yeux.

Sa tête se secoue faiblement. « Wei s’est pendu… » A cause de lui. Parce qu’il a été égoïste. Parce qu’il voulait s’enfuir, trouver autre chose et qu’il l’a fait en sachant qu’il ne pourrait pas l’emmener directement avec lui, mais qu’il comptait bien le rapatrier d’une façon ou d’une autre. Mais Wei n’a pas attendu… Et le désespoir a pris le dessus.

Perdu, il continue de le fixer longuement, intensément, avant de simplement s’incliner, le corps presque à 90°. « Merci... » Merci sincèrement. Ses doigts agrippent son pantalon, et ses mains tremblent, tandis que des larmes incontrôlables chutent sur le béton, à ses pieds. « Merci pour cette nuit-là... »

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Oh. C'est... moche. Il est vrai que des deux, celui-là semblait plus faible mentalement... mais de là à en venir à se suicider, il y avait quand même un petit monde. J'avais un peu étudié le phénomène, pour le comprendre... et quelqu'un qui se suicidait, c'était quelqu'un qui considérait que la mort était le seul choix qu'il lui restait encore à faire. À quel niveau de désespoir devait-on en arriver pour prendre cette décision ? Dans le discours général, se donner la mort était un acte de lâcheté... mais je vous dirais que ça demandait, au contraire, beaucoup de courage. Pour réussir à écarter son instinct de survie, il fallait être sacrément... mal. « Je suis désolé. » Ce n'était peut-être pas le bon endroit pour ça, au milieu de cette rue sombre... mais les circonstances ne se choisissaient pas toujours, et lorsqu'il s'inclina si bas, je me sentis assez mal pour que ma voix durcisse à nouveau. Il n'avait pas a me remercier, je n'étais pas quelqu'un d'honorable. « Ani... arrête tes conneries, relève-toi... » Ma langue claqua contre mon palet et je détournais légèrement la tête en marmonnant un truc, ma main partant remettre mes cheveux sur le côté pour me dégager la vue. « T'es toujours aussi idiot, ma parole... arrête de pleurer. » Grognant faiblement, je tirais un bout de tissu de ma poche et m'approchais pour lui essuyer les joues, puis regardais autour de nous. « Tu vas me dire combien tu comptais gagner ce soir et je vais te ramener chez toi... prends pas ça pour de la pitié. » Malgré tout ce temps, j'ai définitivement du mal à rester indifférent a certains scénarios de vie... ça en devenait désespérant, à ce rythme.

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Je suis désolé. » il n’a pas vraiment besoin de l’être, ce n’est pas sa faute. Mais venant d’un homme comme lui, il se dit qu’il peut accepter le compliment, car normalement, ils ne se rabaissent pas à ce genre de petits mots sympathiques. Cela dit, il a bien compris aussi qu’il est un homme vraiment à part en fait. Il a sauvé Wei. S’il avait subi cette soirée-là, il se serait tué plus vite. « Ani... arrête tes conneries, relève-toi... » Je me redresse doucement pour le fixer intensément. Des conneries hein ? Ah, il est mal à l’aise avec les sentiments alors ? Pourtant, il se sent libre de le faire avec lui, après ce qu’ils ont vécu en commun. « T'es toujours aussi idiot, ma parole... arrête de pleurer. » Visiblement, il n’est qu’un con, entre Haneul et lui, il devrait l’avoir compris non ? Visiblement, il est con. Idiot. Stupide. Il doit faire avec ? C’est fou, il se pensait intelligent. Pourtant, de voir l’homme qui lui essuie les yeux avec des gestes presque paternels, ça lui fait du bien, ça le surprend et il le regarde en papillonnant des yeux. Pourquoi ? « Tu vas me dire combien tu comptais gagner ce soir et je vais te ramener chez toi... prends pas ça pour de la pitié. » « Un homme comme vous n’a pas de pitié. » Mais il a de la compassion et du bon sens. « Je n’ai pas besoin de votre argent. C’était ma dernière soirée de toute façon, que je reparte avec de l’argent ou pas, je m’en fiche. » Ce n’est plus important. Plus autant que d’avoir quelqu’un avec qui parler de Wei. C’est peut-être débile ça aussi en fait. Mais même si ça fait mal, il est content de partager ça avec quelqu’un. « Mais on peut rentrer ensemble. » Peu importe ce qu’il se passera. Il veut une dernière nuit avec lui. Une nuit entière.

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Ah... j'avais vraiment horreur des trucs mignons, parce que ça me faisait un peu faiblir, malheureusement. Et lui, a me papillonner des yeux comme ça, il n'arrangeait pas son cas. Humpf... tss... j'avais fortement envie de grogner, à défaut de savoir que faire d'autre dans ce genre de situation, mais me contentais d'un faible soupir. Son ami s'était donc pendu... on aurait dit, à le voir, que j'étais l'un des premiers à l'apprendre... et que tout ceci semblait faire plus mal que prévu. « Ta dernière soirée ? Vraiment ? » Je penchais légèrement la tête sur le côté, assez surpris, encore une fois. « À priori, tu aurais mieux fais de rester à la maison, hum... » Je n'étais pas tellement certain qu'il retrouverait son portefeuille de sitôt et il valait mieux qu'il fasse bloquer ses cartes bancaires rapidement, mais il paraît que rien n'arrivait au hasard... peut-être bien qu'il avait fallut cette nuit-là pour que l'on se recroise. Pour que son Wei puisse vivre encore quelques minutes à travers ses mots, aussi. Ils voulaient me remercier, hein... ? Je suis tellement désolé pour vous, les enfants.

Rangeant ma main vers moi, j'observais encore un peu le visage du chinois et haussais une épaule a sa proposition, avant de lui faire signe de me suivre pour nous rediriger vers ma voiture, au pas. Pourquoi pas, je n'avais rien de prévu, de toute manière... puis c'était moi qui lui avais proposé de le ramener. Une fois posés dans le véhicule, mon attention se reposa donc sur ses prunelles et je ne démarrais pas tout de suite. « Il t'a laissé une lettre... ? »

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Ta dernière soirée ? Vraiment ? » Aussi étonnant que ça puisse paraître, mais oui. Avec le contrat en béton qu’Haneul lui avait envoyé, il allait devoir se plier à beaucoup de règles. Dégoûté ? Pas vraiment, mais c’est un train de vie à changer. Au moins, il allait être assuré de gagner au moins 4 000 000 wons chaque mois sans avoir à forcément se faire monter dans tous les sens, ou devoir le faire. C’est pas plus mal en fait. Une pipe de temps en temps, et tout irait bien. Du moins, naïvement, il a envie de croire ça, mais non. Il n’est pas du genre naïf. « À priori, tu aurais mieux fais de rester à la maison, hum... » « Je ne crois pas. » Rien n’arrive au hasard. S’il a fallu ça pour qu’il le retrouve, alors, il accepte bon gré, mal gré, cette décision de l’univers. Pourtant, il n’est pas le genre d’homme qui les accepte facilement les décisions de l’univers en réalité. Il ne va jamais voir une diseuse de bonne aventure pour ça d’ailleurs, alors que c’est courant ici.

Lorsque l’homme lui fait signe de le suivre, il ne se fait pas prier à vrai dire et enchaîne derrière ses traces avec un certain détachement et un air faussement blasé. Une fois dans la voiture, il s’attache rapidement et se mets un peu plus à l’aise avant de poser son coude sur le rebord de la portière et sa main dans ses cheveux. « Il t'a laissé une lettre... ? » La question brise une nouvelle fois son coeur. Il déglutit avant de secouer lentement son minois. « J’avais reçu un sms me disant pardon et je t’aime… alors, j’ai… j’ai quitté les cours, et j’ai foncé jusqu’à… l’espèce de boite de conserve qu’on louait ensemble à côté de la fac pour le voir pendu, accroché à la barre du lit à double étage qu’on avait… Wei allait mal depuis longtemps. Je bossais plus, pour assurer ses rendez-vous aussi, j’avais réussi à l’éloigner de ça les dernières semaines avant sa mort, de lui trouver un job de serveur dans un truc mignon… J’pensais vraiment… réussir à l’aider, mais il était brisé, profondément brisé. » Mon yeux se posent sur sa gourmette, toujours à mon poignet. « Wei avait été abusé sexuellement enfant, par un de ses professeurs. » Je le fixe, puis regarde ailleurs, encore, la tête contre mon bras replié. « Je l’ai appris tard, même à moi, il n’avait pas su m’en parler. Juste un soir, après avoir craqué. C’est au moment-là que j’avais décidé de reprendre ses rendez-vous et de lui trouver autre chose. » Sa main passe dans ses cheveux doucement. Pourquoi raconter tout ça ? Il ne sait pas. Mais ça lui fait du bien en réalité. Autant que ça peut faire mal. Mais il parle enfin de Wei, il le fait enfin… encore exister un peu. « Son sourire me manque. » Trop de choses lui manquent et ses yeux s’engorgent à nouveau. « J’ai l’impression… d’oublier sa voix et son rire par moment, et c’est effrayant. » Sincèrement effrayant.

Fate

ft. Hyo Min

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je ne sais pas trop pourquoi ça m'intéressait, mais j'avais quand même bien envie d'en entendre plus sur cette histoire. Quelque part, c'était aussi une façon de raviver le feu de justice qui me permettait de bouillir de l'intérieur face aux abus, mais qui tarissait parfois, lorsque sur la longueur, la vie redevenait trop normale. Sauf que... non, je n'avais pas envie que les flammes disparaissent. Je n'avais pas envie de minimiser, d'oublier quoi que ce soit, de voir mon désir de vengeance s'évanouir avec le temps. Tristement, ce genre de récits m'aidaient donc à remettre les choses à leur place. Les yeux rivés sur la rue devant nous, j'ouvris un peu la vitre de ma portière et rallumais une cigarette, avant d'en proposer au ptit, par politesse, puis de poser le paquet dans un compartiment de rangement. Ah... trop de connards, dans ce monde, et même si je m'attendais à tout entendre, le coup de l'abus par le professeur décrocha un éclair dans mon regard toujours aussi fixé sur le paysage. « Au vu de tout ce que tu me racontes et de tes efforts mis en place, il est évident que tu ne n'aurais de toute manières pas pu le sauver de lui-même. » J'inspirais un peu, puis tournais enfin mes yeux dans sa direction pour le voir au bord des larmes et me décider enfin a allumer le moteur. « Je ne vais pas te dire qu'il ne faut pas culpabiliser, mais j'imagine que tu as fais de ton mieux avec ce que tu avais. T'es un survivant, toi aussi, hn ? Les gens ne sont pas tous comme nous, c'est aussi ça, la vie... » J'allumais doucement la radio pour nous offrir un fond musical, puis lui demandais son adresse, avant de nous mettre en route. « Faim ? »