[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] || « Je doute qu’elle y revienne. » Après ce qu’il s’était passé, le mot allait certainement circulé au sein de la mafia et irait probablement jusqu’aux oreilles de Jung Sook. Si celle-ci n’était pas idiote, elle ne tenterait pas le diable puis de toute façon si Tiffany s’imaginait qu’il resterait ainsi sans agir, elle se trompait. Il surveillerait la mafia de plus près qu’à son habitude et ferait de son mieux pour s’assurer que plus aucun d’entre eux ne s’approche de la boutique de la jeune femme. La tâche ne serait pas simple mais avec quelques manigances et un peu d’aide, il y parviendrait probablement. « Puis de toute façon, vous serez plus tranquilles une fois que les concernés seront arrêtés. » Ah, qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour juste leur rendre la pareille et les enfermer sans jamais leur offrir une porte de sortie. Ces types là ne méritaient pas la prison, ils méritaient de pourrir en enfer… Peut-être était-il trop cruel mais personne n’avait idée de ce que Jun Ho avait traversé ; il était sûrement le mieux placé pour comprendre Chul Hei et l’horreur que celui-ci avait vécu ce soir. Certes, ce dernier avait échappé au pire mais qu’est-ce que cela aurait été s’ils ne l’avaient pas retrouvé ? Rien que ça le mettait hors de lui et ne lui donnait aucune envie de les épargner. Il les détestait tous autant qu’ils étaient et sa haine n’avait fait que s’accentuer un peu plus… Dieu seul savait à quel point ce garçon pouvait le haïr mais on arrivait encore à augmenter cette rage qui le dévorait depuis des années. Il ne disait rien, il restait calme et posé devant Tiffany cependant cette dernière n’avait pas idée de comment son sang bouillonnait dans ses veines. S’il avait rétorqué s’en faire pour eux, ce n’était rien comparé à ce qu’il ressentait vraiment au plus profond de son être… Qui savait, peut-être même était-il plus furieux qu’elle n’avait pu l’être quelques temps plus tôt. A présent ses sentiments à elle était la culpabilité, les siens étaient la rage et la colère… Ô bien sûr il était triste et désolé pour eux néanmoins il n’était pas en mesure d’effacer cette image de son garçon attaché, les yeux et la bouche bandés alors qu’il était terrifié.

Finalement, parce que la jeune femme avait refusé d’aller se coucher, il n’avait pas cherché à insister non plus. Probablement que tant qu’elle ne l’aurait pas soigné, elle ne lâcherait pas l’affaire donc il s’était résigné, prêt à la suivre. Le style de sa cicatrice n’avait aucune importance et c’était ce qu’il avait voulu lui faire comprendre avant qu’elle ne lui parle de ce pauvre type. Bien sûr que non, Jun Ho n’aimait pas son mari… De ce qu’il en savait, ce dernier l’avait abandonné pour se faire plaisir avec son colocataire. Puis, il restait un homme que Tiffany avait fréquenté, il n’avait pas envie de l’apprécier… Peut-être que s’il l’avait chéri comme un homme était censé chérir sa femme, son estime le concernant serait différente mais c’était loin d’être le cas. Il l’avait trahi, brisé sa confiance et même si elle ne le lui avait jamais dit, elle avait dû beaucoup en pleurer. Et c’était la principale raison pour laquelle il le détestait et que sa seule envie était de lui refaire le portrait. « Parce que c’est un connard. » Ce n’était sûrement pas une réponse que la fleuriste attendait mais là encore ses paroles avaient quitté ses lèvres sans qu’il ne les maîtrise. Il savait pourtant qu’il devrait contrôler chacun de ses mots hors il y avait ces fois où ce n’était pas possible, le cœur parlait plus vite que la raison. « Il t’a trompé. » Qu’il avait aussitôt ajouté, le dégoût qu’il éprouvait pour cet homme se reflétant clairement dans ses prunelles. « S’il t’aimait vraiment, il ne l’aurait pas fait. » Parce que la situation où lui l’avait abandonné au petit matin sans plus jamais lui donner de nouvelle était mieux ? Non. Il en avait conscience mais au contraire de Noah, il avait ses raisons… Puis quelles que soient celles de ce dernier, aucune excuse ne pouvait pardonner le fait qu’il avait couché avec quelqu’un d’autre que son épouse. Parler de ça l’énerver réellement, son amertume avait même dû s’entendre dans le ton de sa voix… Et parce qu’il se sentait défaillir, parce qu’il appréhendait la réaction de la jeune femme, il avait coupé la discussion dans un « Bref. » Toussotant discrètement comme si émettre une telle réaction lui permettrait d’éviter tout interrogatoire.

Qu’elle le mette en garde pour les points le fit sourire légèrement avant qu’il ne la rassure en lui rétorquant de ne pas s’en faire pour lui. Il le lui avait déjà dit à plusieurs reprises aujourd’hui mais il avait l’habitude. En silence, il la regardait le soigner, détaillant le moindre de ses traits… Que cela soit la plissure entre ses sourcils lorsqu’elle se concentrait, que cela soit ses yeux dans lesquels il s’était si souvent noyé, ses joues sur lequel il aimerait tant posé ses doigts ou encore ses lèvres qu’il voudrait pouvoir embrasser juste une dernière fois. Les siennes s’étirèrent dans un discret mais triste sourire à cette pensée avant que celui-ci ne s’efface aussitôt aux paroles de la fleuriste. « Je n’ai pas de copine. » Avait-il avoué avec sérieux. « Et personne ne connaît cette adresse donc tu ne risques rien. » Il s’excusait intérieurement mais il n’était pas d’humeur à plaisanter, surtout pas sur un sujet comme celui-ci. Tiffany n’avait certainement pas dit ça pour la blague mais qu’elle qu’en soit la raison, Jun Ho ne s’en amuserait pas. Il ne l’avait pas abandonné pour sortir avec une autre… S’il avait pu avoir une vie amoureuse comme tout être humain normal, c’était elle qu’il aurait choisi.

Qu’est-ce qu’elle devait faire ? Pouvait-elle retourner à sa boutique ? Devait-elle la fermer ? Évidemment qu’elle le ferait, si elle n’en avait pas le choix pour la sécurité de Chul Hei. Cependant, ce serait une épreuve difficile pour elle. Depuis qu’elle avait commencé à travailler comme fleuriste, elle avait chéri ce rêve d’ouvrir sa propre boutique ! Elle avait finalement réussi, tout juste avant la naissance de son fils et c’était grâce à cela qu’elle réussissait à mettre de la nourriture sur la table, un toit sur leurs têtes, de l’exotisme dans leurs vies… C’était entre les feuillages et les fleurs de ces murs que le petit avait fait ses premiers pas, balbutié ses premiers mots. Il y avait tellement de souvenirs dans cette boutique. Elle l’avait rempli, décoré, lui avait donné vie toute seule ! Tiffany est fière de ce qu’elle a réussi à accomplir, niveau professionnel. C’est son autre bébé. Mais entre le Wild Flower et Chul Hei, la québécoise choisissait sans hésiter celui avec option « chair et os ».

-« Je doute qu’elle y revienne. »

Oui, mais bon, Jung Sook n’était pas la seule femme de mafieuse de la ville… Si le petit rayon de soleil avait vu quelque chose qu’il ne devait pas voir, on ne le laisserait pas aller comme ça, non ?

-« Puis de toute façon, vous serez plus tranquilles une fois que les concernés seront arrêtés. »

-« Ce ne sera pas demain la veille… » soupira-t-elle, complètement découragée. « Je n’ai rien dit à la police… Chul Hei est maintenant avec nous et je ne vais pas le remettre en danger en l’amenant au commissariat afin qu’il se force à raconter son histoire qui le terrifie… Et qui nous croirait de toutes manières ?! Cette histoire n’est… techniquement pas arrivée… Donc personne ne sera arrêté… et s’ils l’étaient, ils enverraient d’autres gens, non ? » dit-elle, s’efforçant à rester calme.

Elle essayait de rester calme, mais l’idée la faisait doucement paniquer. Il était trop tôt pour qu’elle relativise, elle était trop en plein dans tout ça… Tiffany n’arrivait pas à imaginer une quelconque tranquillité. Pas maintenant, alors qu’elle se demandait comment ils allaient faire le lendemain… et les jours suivants. Elle s’inquiétait tellement d’avance pour son fils. Il pouvait lui arriver n’importe quoi à elle, la québécoise savait que son petit rayon de soleil serait pris en charge par sa tante ou quelqu’un de confiance. Avec les années, elle a réussi à apprendre à mieux choisir ses fréquentations. La famille de sang qu’elle n’a pas (outre sa tante) a été remplacé par des liens du cœur encore plus fort. Jun Ho était enragé, de son côté, sans qu’elle ne le voit, elle… elle culpabilisait et s’inquiétait pour le futur à présent incertain de son fils. Refusant d’aller se coucher, elle l’avait traîné à la salle de bain afin de le recoudre. Quelques idioties avaient franchi ses lèvres, cherchant à trouver n’importe quel moyen pour ne pas craquer. Elle avait poussé jusqu’à dire des débilités sur Noah ! Ce devait être l’habitude… elle en disait bien des plus imbéciles encore quand elle parlait avec Hye Rin ou Hyun Jae ! Le fait que Jun Ho ne s’emporte l’avait surprise, après tout… le mafieux n’avait jamais rencontré le québécois. Tiffany n’avait jamais pleuré devant lui, encore moins à ce sujet ! Non, son stupide mari avait été un sujet de larmes qu’elle avait jalousement gardé pour elle, ne voulant pas que personne ne voit combien ce sale con lui avait fait mal.

-« Parce que c’est un connard. »

Tiffany lui lança un regard plus que surpris. Pourquoi ça semblait tant… venir… du cœur ?

-« Il t’a trompé. S’il t’aimait vraiment, il ne l’aurait pas fait. Bref. »

Oui, bon, si quelqu’un savait qu’il l’avait trompé… c’était bien elle. Cette horrible image lui avait brûlé la rétine et restait bien déplaisante encore aujourd’hui ! Cependant, qu’est-ce que ça pouvait faire à Jun Ho ?

-« Ouais… merci… je suis au courant… » répondit-elle avec un petit rire nerveux. « L’histoire est compliquée, finalement… On a fait la paix, c’est de l’histoire ancienne… » admit-elle, après quelques longues secondes d’hésitation, en soupirant.

Tiffany hocha la tête, se disant que de toutes manières… ça avait été un mal pour un bien. Son mariage s’était horriblement terminé, mais si Noah lui avait parlé de ses problèmes à l’époque, elle aurait tenté de l’aider. Ils seraient peut-être encore mariés, aujourd’hui ! Elle n’aurait pas rencontré Jun Ho, il ne lui aurait pas brisé le cœur, à son tour ! Mais ces deux histoires, qui lui avaient fait si mal, avaient mené à la naissance de Chul Hei. Rien que pour ce petit sourire, la québécoise était prête à se faire briser le cœur encore et encore !

-« Par simples précautions… si tu le croises… ne lui fais rien… J’ai encore des trucs à régler. » marmonna-t-elle, se disant qu’il pourrait être facile de venir compliquer son éventuel divorce !

La fleuriste ne voyait pas pourquoi il s’énerverait RÉELLEMENT s’il le croisait… puis même, elle ne savait même plus si elle lui avait montré de quoi il avait l’air, à l’époque. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de trop laisser de bêtises venir envenimer cette situation aussi. Elle considérait avoir assez de problèmes comme ça, maintenant, sans y ajouter un mari qui pourrait la poursuivre ou refuserait encore plus de divorcer ! Qu’est-ce qu’elle avait été conne, dans sa jeunesse ! Quitter le pays sans divorcer ! À quoi avait-elle penser ?! Elle n’avait pas pensé, voilà. Aujourd’hui, ça la rattrapait et elle ne pouvait pourtant pas se permettre le luxe de gérer cette histoire. Noah ne l’embêtait pas, il la laissait vivre tranquillement sa vie, donc… ça restait dans ses problèmes moindres. Tiff préférait que ça n’en reste là ! Pensant à ces personnes extérieures liées d’une manière ou une autre au cœur, qui peuvent apporter des ennuis, elle s’était inquiétée à l’idée d’une copine de Jun Ho. Son attention restait toute entière sur ce qu’elle faisait, ne remarquant donc pas son regard qui se baladait sur son visage ni ce sourire qui s’était effacé.

-« Je n’ai pas de copine... Et personne ne connaît cette adresse donc tu ne risques rien. »

-« Oh… okay… » fit-elle, en hochant doucement la tête.

Depuis le sujet de Noah… le mafieux était différent quand ils parlaient. Lui qui avait été calme et posé jusque là… Tiffany ne comprenait pas trop pourquoi, elle se demanda s’il n’était pas plus tendu parce que se faire recoudre n’était pas agréable. Elle s’excusa d’ailleurs, grimaçant à l’idée de ne pas être assez délicate malgré ses efforts. Essayant de faire encore plus attention, la fleuriste termina les soins avec minutie.

-« Ce devrait être mieux que le simple bandage… » commenta-t-elle en s’assurant que tout était bien fait.

Elle releva ensuite les yeux vers lui, la culpabilité se lisant toujours aussi facilement dans ses iris sombres. Ses lèvres forcèrent tout de même un sourire, cherchant à garder cette image un minimum calme.

-« Ça te convient ? » demanda-t-elle-même si elle pensait lui avoir fait mieux que ce qu’elle avait fait par le passé !

Ses doigts de momie n’avaient apparemment pas perdu de leur magie ! Peut-être que si elle avait été moins stupide, elle aurait pu aller dans le domaine médicale…

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] || La situation de Tiffany était compliquée, il l’admettait… Elle ne pouvait pas dénoncer cette histoire à la police et ce même si elle le désirait, ce serait trop compliqué. Comment expliquer que son fils avait été enlevé mais qu’un seul homme en avait battu plusieurs autres afin de le sauver ? Puis, en parler aussi ouvertement à la police, c’était prendre un plus gros risque parce que les membres de la mafia ne les laisserait pas s’en tirer aussi facilement. Un malheureux accident était si vite arrivé… Hors, Jun Ho n’avait aucunement l’intention de rester les bras croisés, un détail que la jeune femme ignorait puisque après les années qui s’étaient écoulées, elle n’avait aucune idée de ce qu’il faisait à présent. Ô bien sûr, elle savait pour la mafia cependant elle ne savait pas le reste… Elle ne savait pas qu’il travaillait en secret pour détruire son propre clan, qu’il enquêtait et cherchait cette faille qui le ferait un jour tous tomber. Elle ne savait pas non plus ô combien il pouvait être calculateur, faire preuve de manigances rien que pour arriver à ses fins… Il vivait dans l’illégalité depuis sa plus tendre enfance, ce ne serait pas la première fois qu’il faisait du mal autour de lui et si ses agissements permettaient de punir ces malfrats, il n’en aurait aucun regret.

Ses yeux rivés vers elle, il l’avait observé quelques secondes tandis qu’elle finissait de parler. « Parce que tu crois que je vais rester là sans rien faire ? » L’avait interrogé le jeune homme avec calme. Il ne l’aurait pas forcé à vivre avec lui s’il n’avait pas l’intention d’essayer d’arranger un minimum les choses. « Je travaille pour le bureau du procureur. » Techniquement, il était stagiaire mais ceci n’était qu’un détail ; il avait malgré tout sa réputation et avait su se faire sa place. « Et j’ai des tas de contact dans la mafia. » Si on plaçait ces deux choses l’une à côté l’autre, on constatait bien évidemment qu’elles étaient entièrement opposés. Il travaillait pour la justice de son pays mais en même temps il faisait partie de ces gens qui devraient se faire arrêter immédiatement. Pour sa défense, Jun Ho lui n’avait rien demandé et il n’avait aucune envie de s’en prendre à autrui… Il n’avait pas d’autres choix puisque sa famille était ainsi néanmoins si on le questionnait sur ce qu’il désirait, il sélectionnerait le droit et l’honnêteté, le symbole de la paix. Peut-être en révélait-il trop aujourd’hui seulement il ne voyait pas comment faire autrement pour rassurer la fleuriste… Il ne comptait pas les laisser tomber, vraiment pas, et ferait de son mieux afin de tous les envoyer croupir en prison. S’il n’y parvenait pas, nul doute qu’il n’hésiterait pas à utiliser des moyens moins sympathiques pour les empêcher d’approcher de trop près celle qu’il aimait et son fils.

Le sujet aurait pu rester celui-là alors qu’elle l’emmenait vers la salle de bain néanmoins la conversation prit un autre chemin. Un chemin que le mafieux n’appréciait guère et qui l’avait irrité aussitôt le nom de ce vaurien mentionné. Dés le moment où Tiffany lui avait parlé de cet homme à l’époque, il n’avait jamais été en mesure de l’aimer… Il ne comprenait pas comment on pouvait faire ça à une personne qu’on était censé protéger et chérir pour le restant de notre vie. Si elle était en mesure de lui pardonner, lui n’en était pas capable. Bien sûr que s’il le croisait, il ne le frapperait pas comme il l’avait déclaré plus tôt cependant ça ne serait certainement pas l’envie qui manquerait. Quand la jeune femme lui avait répondu, déclarant que c’était de l’histoire ancienne, Jun Ho n’avait pas relevé ni même surenchéri… Il ne souhaitait rien savoir sur sa relation avec cet imbécile. « Je ne sais pas à quoi il ressemble de toute façon. » Il en avait seulement entendu parler et ce n’était peut-être pas plus mal ainsi… Lui-même ne savait pas ce qu’il serait capable de faire s’il le croisait alors oui, il était préférable qu’il ignore quelle était la tête de Noah.

Si de base le jeune homme était déjà frustré et en colère, parler du mari – ou ex-mari, il n’en savait trop rien au final – ne l’avait pas aidé à calmer ses émotions. Il était parvenu à rester serein jusqu’ici, à rester neutre et ne pas laisser entrevoir quels sentiments lui martelaient le cœur toutefois dés qu’il s’agissait d’un sujet trop sensible la concernant, il n’était pas en mesure de rester impassible. « C’est très bien. Merci. » Il força un sourire sur ses propos avant de se relever et de commencer à tout ranger. « Tu devrais vraiment aller te reposer maintenant. » La regardant dans les yeux, tout son sérieux y brillait à l’intérieur. « Et je te jure que si tu refuses encore une fois, je vais aller te coucher moi-même. » Qu’elle n’en doute pas une seconde parce que si elle était bornée, au bout d’un moment, il pouvait l’être aussi.

Tiffany avait l’habitude de tout gérer toute seule, de ne demander que le minimum d’aide et, généralement, n’en demander que lorsqu’elle n’en avait pas le choix. Il était donc normal qu’elle n’envisage le futur de cette manière aussi. Comment allait-elle se débrouiller avec Chul Hei ? Quels choix avait-elle ? C’était déjà ça la première question qui la tracassait. Pour le moment, elle avait l’impression de n’en avoir aucun. La tête à peine hors de l’eau, elle avait conscience de ne pas être en mesure de réfléchir correctement. Hélas, elle pensait déjà au temps qui s’écoulait. La québécoise n’avait pas le luxe d’attendre trop longuement. Elle ne se voyait pas rester ici trop longtemps, ayant de la difficulté à comprendre pourquoi elle avait été amenée ici, de base. Jun Ho avait insisté pour qu’ils ne restent, mais… n’était-ce pas étrange ? Ils allaient le déranger, très certainement. Ils prennent de la place et bougent, deux choses que rien dans cet appartement ne semble faire. Après demain, que fera-t-elle ? Ça aussi c’était une question difficile. Jun Ho tentait peut-être de la rassurer en disant que Jung Sook ne reviendrait plus et qu’on les laisserait tranquille, mais Tiffany ne voyait pas comment s’était possible. Elle ne pouvait rien faire pour s’en assurer, sinon partir le plus loin possible. L’idée lui fendait le cœur, elle s’était attachée à cette vie qu’elle avait durement travaillé à construire avec Chul Hei. Hélas, elle ne voyait pas vraiment d’autres solutions.

-« Parce que tu crois que je vais rester là sans rien faire ? »

Eeeeeh… Oui ? C’est un peu ce que font les gens qui disparaissent de la vie de quelqu’un… et comme il n’a jamais vraiment été présent dans la vie de Chul Hei, Tiffany ne s’imagine pas tout naturellement que Jun Ho en fera plus. Elle lui est déjà plus que reconnaissante de ce qu’il a fait ce soir, admettant qu’elle n’aurait pas pu le sauver toute seule. Cependant, pour elle, l’implication de l’homme s’arrête là. Elle n’a pas envisagé lui demander plus d’aide, non ?

-« Je travaille pour le bureau du procureur. Et j’ai des tas de contact dans la mafia. »

Tiffany est consciente du paradoxe que représente ce qu’il vient de lui dire, or… elle ne sait aucunement ce qu’il en fait. Pour ce qui est de son fils, Jun Ho a sa confiance… Développement relativement normal après la soirée impossible qu’ils viennent de passer. Pour le reste ? Elle ne sait pas. La fleuriste le croit donc, lorsqu’il lui dit ces choses, mais elle ne devine pas ses plans pour autant.

-« Ne le prends pas mal, mais… j’étais sensée penser le contraire ? » répondit-elle calmement, en le regardant dans les yeux.

La jeune femme ne cherche pas à l’attaquer, elle exprime tout simplement sa surprise. Ils ne se sont plus vus depuis environ six ans… Leurs deux dernières rencontres se sont mal soldées. Il a répondu à l’appel de détresse, a sauvé Chul Hei. C’était tout ce qui lui était demandé ? Tiffany a toujours eu de la difficulté à accepter qu’on ne l’aide, Jun Ho doit s’en rappeler s’il a un minimum de souvenirs d’elle… Son regard reste plongé dans le sien, un silencieux moment, alors qu’elle tente de trouver une quelconque réponse. Évidemment, elle n’arrive pas à lire dans les pensées. Puis, au fond, elle ne sait même pas si elle veut savoir ce qu’il va faire… Pas ce soir, elle en a déjà assez comme ça en tête. La fleuriste pince les lèvres, n’aimant pas trop l’idée de compter de nouveau sur lui pour quelque chose de si important, alors qu’elle se retrouve impuissante. Hélas, a-t-elle le choix ?

-« Tu m’expliqueras demain ce que tu comptes faire ? » finit-elle par demander en soupirant, se résignant à contre cœur.

Ce qu’elle peut haïr avoir besoin de quelqu’un d’autre ! C’est fou ! Elle pose son regard sur son thé et en prend une gorgée. Elle hésite quelques secondes, il l’enverra probablement bouler… mais elle pourra en faire de même !

-« Ne fais rien de dangereux pour toi… Je trouverai un moyen de gérer ça, de mon côté aussi… » finit-elle par ajouter, relevant les yeux vers lui.

Rester « sagement » assise, elle l’a déjà fait ce soir. La fleuriste sait qu’elle ne supporte pas. Ses doigts de momie sont là pour en témoigner ! Ils sont d’ailleurs sensibles et douloureux, bien que protégés par les pansements. Tiffany en aura pour un moment à jurer mentalement en étant si sensible des doigts ! Elle ne sait pas encore ce qu’elle fera, mais elle sait qu’elle trouvera un moyen de se rendre utile. Il est hors de questions que Jun Ho ne fasse tout. Chul Hei est tout de même sensé être sa responsabilité à elle et jamais elle n’a autant dépendu d’une autre personne pour son fils. C’est trop étrange comme sentiment… Elle n’aime pas ça, tout comme elle n’aime pas l’idée d’aller se coucher avant de l’avoir, au moins soigné. La québécoise n’aime pas trop l’idée d’aller dormir, tout simplement, mais bon… Elle tente de chasser ses tracas en disant des bêtises qui prennent une tournure plus sérieuse. Si Jun Ho ne s’était pas emporté de la sorte, Tiffany n’aurait pas été si surprise. Elle aurait probablement moins parlé aussi. Après tout, cette histoire, encore plus que les autres, ne le regarde pas. Le mafieux ne lui pose pas de questions, mais elle parle, cherchant à calmer l’ambiance.

-« Je ne sais pas à quoi il ressemble de toute façon. »

Parfait. C’est ce qu’elle pensa, sans pour autant le dire, se contentant d’acquiescer en un hochement de tête. La fleuriste n’avait rien de plus à dire sur le sujet, donc elle se concentra plutôt sur ce qu’elle faisait, s’y appliquant bien. Elle avait pensé au fait qu’elle n’a personne dans sa vie, ne souhaitant pas imposer un visage qui ne resterait pas à son fils, mais que Jun Ho avait peut-être bien quelqu’un. C’était simplement pour éviter un quelconque malentendu qu’elle avait soulevé le sujet, qui fut clos tout aussi rapidement. Ce n’était pas de ses affaires, donc elle n’allait pas insister. Tout ce qui comptait était qu’on n’allait pas s’en prendre à son fils. Elle termina enfin de le recoudre, lui demandant si cela lui convenait.

-« C’est très bien. Merci. »

Son sourire était forcé, elle le voyait bien, se rappelant que ses sourires sincères sont plus doux. Ce devait être inconfortable… et peut-être qu’elle avait soulevé un sujet sensible en lui parlant de copine. Si ça se trouve, il vient tout juste de rompre et ce n’est donc pas un sujet très agréable. Tiffany avait esquissé un sourire maladroit et s’était affairé à l’aider, lui tendant les choses afin qu’il ne les range où il voulait.

-« Tu devrais vraiment aller te reposer maintenant. Et je te jure que si tu refuses encore une fois, je vais aller te coucher moi-même. »

La jeune femme le regarda un peu de travers, se demandant bien comment il irait la coucher lui-même et d’où il se montrait si autoritaire. Il a sauvé Chul Hei, elle lui en sera toujours reconnaissante. Il les a amenés chez lui… de son propre chef et elle ne comprend pas la moitié de ce qu’il se passe. Cette partie-là, elle ne l’a pas demandé… Seul son esprit de contradiction a envie de lui tenir tête, mais au fond, elle a plus envie de tranquillité et de se rassurer sur la présence de son fils. Elle accepte dans un soupir et le suit jusqu’à la chambre, sans faire de bruits. La jeune mère le laisse prendre ses choses, allant plutôt s’occuper de bien replacer les draps sur son fils et lui caresse tendrement la tête. Il entrouvre les yeux, paniqué pendant l’espace d’une seconde, mais est immédiatement rassuré par les murmures de sa maman qui lui dit qu’il peut dormir paisiblement, ce n’est qu’elle qui le rejoint. Il marmonne quelques mots en français, puis se déplace pour lui faire de la place et se rendort immédiatement. Tiffany sourit, puis se relève et se rapproche de Jun Ho, le retenant quelques secondes alors qu’il allait sortir. Elle se mordille les lèvres, hésitant, puis relève son regard rempli de ce mélange de culpabilité et de reconnaissance. Elle lui murmure un énième remerciement et lui souhaite une bonne nuit, le laissant ensuite partir. Doucement, elle referme la porte derrière lui. Elle a besoin de cette espèce de coupure, de cette barrière, de ce sentiment de s’être un peu éloignée, d’être un minimum tranquille avec sa conscience… Ce n’est pas une porte fermée qui fera une énorme différence, mais si c’est tout ce qu’elle peut avoir, c’est ce qu’elle prend. La québécoise se dit que si son fils a peur, elle le calmera, elle sera là pour ça. Un énième soupir quitte ses lèvres alors que tout s’effondre en elle. Les larmes silencieuses dévalent sur ses joues, enfin libérées ! Tiff va s’étendre aux côtés du sens de sa vie, sur le flanc et vient passer ses bras autour de lui, le serrant si fort de nouveau. L’enfant marmonne dans son sommeil, mais se laisse faire, rassuré par cette présence qu’il reconnait si bien.

La nuit passe ainsi, enlacés, ils se rassurent mutuellement. Elle a cependant gardé sa tête plus en hauteur, éloignée de celle de Chul Hei, ne voulant pas que ses larmes ne viennent le réveiller. Certaines savent pleurer sur commandes, elle, elle sait le faire dans le plus grand des silences. Chacun son talent… Le soleil ne tardera pas à se lever, lorsque la culpabilité, la tristesse, la confusion et toutes les autres se décident à enfin lui accorder une pause et la donne plutôt au sommeil. Son repos reste de qualité médiocre, puisqu’elle ne cesse de se réveiller en panique, craignant toujours de ne pas retrouver son petit rayon de soleil. Or, il est bien là, dans ses bras. Puis, il y a cette fois où elle ouvre les yeux et croise le regard de son fils. Il est bien réveillé, toujours dans ses bras, il attend sagement qu’elle ne se réveille, elle aussi. Il esquisse un sourire rassuré, elle lui répond par la même expression. Les yeux du petit se perde dans la chambre et il se rapproche pour lui demander dans un murmure où ils se trouvent. Tiffany lui caresse la tête et lui répond qu’ils sont en sécurité, pour ensuite déposer un baiser sur son front. Il hoche la tête, puis vient se blottir contre elle, la serrant plus fort dans ses petits bras. La culpabilité lui saute sournoisement à la gorge, venant l’étouffer de nouveau, quand elle l’entend lui dire qu’il l’aime. Elle aussi l’aime, il n’a pas idée d’à quel point… Penser qu’elle aurait pu ne jamais vivre ce moment lui fait si mal. À son tour, elle resserre son étreinte, dépose quelques baisers sur sa tête et lui dit qu’elle l’aime aussi. Un moment s’écoule ainsi, puis, ils relâchent leur étreinte. Tiffany se redresse, le petit l’imite. Il lui admet vouloir aller à la toilette, donc, ils sortent sans faire de bruits de la chambre. Ils ne voient personne… La québécoise lui fait quand-même signe d’être silencieux, peut-être que Jun Ho dort sur le canapé. Après tout, ils n’en voient que le dos de leur point de vue. Elle l’accompagne donc, puis ils ressortent de la pièce. Chul Hei tient sa main alors qu’elle s’approche lentement du canapé. Vide. Enfin, il y a des vêtements pliés, ceux que portaient le mafieux. Il n’y a aucun bruit, personne dans la cuisine. Il doit être parti pendant qu’ils dormaient… Les vieilles habitudes ont la vie dure…

Tiffany aimerait bien prendre leurs vêtements et les laver à la main, s’il le faut, afin qu’ils puissent se rhabiller confortablement… une fois que ce sera sec. Hélas, elle ne sait pas où il met le détergent à lessive et pense qu’il vaut mieux éviter de fouiller l’appartement d’un mafieux… Surtout pour une simple question de lessive. Elle retourne donc à la chambre avec Chul Hei. Ils font le lit, puis s’y assoient en tailleurs, un en face de l’autre. Elle a beau avoir passé la nuit à se casser le cerveau en mille morceaux, elle n’a toujours aucune idée sensée quant à où ils pourraient aller aujourd’hui… Autant attendre un peu, en jouant avec son fils. De cette manière, elle continue de réfléchir et lui ne s’inquiète pas, ni ne voit le temps passer… Il aura bientôt faim, cela dit. La jeune mère devra se résigner à fouiller, même si l’idée ne lui plaît pas trop. Le petit reste plus calme qu’à l’habitude. Tiff essaie de se rassurer en se disant qu’il est peut-être encore endormi. Il est tout de même souriant et rit, il se prête facilement aux jeux… Il se raidit toutefois et Tiffany lit la panique dans son regard, lorsqu’ils entendent finalement du bruit dans l’appartement. Chul Hei est tout de suite venu se réfugier dans ses bras. Elle l’a câliné et l’a rassuré, avant de le lâcher pour sortir du lit, sans faire de bruits. Jun Ho a dit que personne ne connaissait cette adresse, mais bon… de ce qu’elle savait, être fleuriste n’était pas supposé être dangereux non plus. Elle fait signe à l’enfant de ne pas bouger, puis sort discrètement de la pièce, laissant la porte entrebâillée pour que le petit ne panique pas. Le pied léger, elle s’avance silencieusement et soupire en reconnaissant la silhouette de dos de Jun Ho.

-« Tu as fait peur à Chul Hei, en rentrant… » lui admet-elle avec un petit rire nerveux.

Mieux vaut en rire qu’en pleurer ! Puis bon, elle aussi a eu peur, pendant un instant, mais elle ne le dira pas… Chul Hei s’était caché derrière la porte, prêtant une oreille attentive et s’inquiétant pour sa maman. Il est rassuré lorsqu’il l’entend parler et rire. L’enfant se permet donc de sortir de la chambre et vient rapidement la retrouver. Il se cache d’abord derrière ses jambes, Tiffany vient caresser le dessus de sa tête. Il lève les yeux vers elle, elle lui sourit. Il en faut aussi peu pour le rassurer et il tourne ensuite la tête vers Jun Ho qu’il reconnaît aussi. Tout va bien alors, il se sent de nouveau en sécurité. Sa petite main quitte la jambe de sa mère, alors qu’il fait un petit geste pour saluer Jun Ho.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] || Quand il y pensait, c’était que c’était logique pour lui néanmoins Tiffany n’était pas censée savoir quel genre de réflexions habitaient son cerveau… Pour elle, il n’était que l’ami qui l’avait abandonné du jour au lendemain sans plus jamais de nouvelles et qui lors de leurs premières retrouvailles lui avaient clairement fait comprendre de sortir de sa vie. Parfois, tel un idiot, il oubliait que sa relation avec la jeune femme était beaucoup compliqué et qu’à cause de tous ses mensonges, elle ignorait les véritables pensées du mafieux. Sa remarque lui avait l’effet d’un seau d’eau glacée qu’on lui balançait en pleine figure parce que ça l’avait ramené aussitôt à la réalité. Bien sûr que non la fleuriste ne savait pas qui il était ni qu’il se démènerait autant pour eux alors qu’il avait été le premier à leur tourner le dos par le passé. Un fin soupir avait traversé la commissure de ses lèvres avant qu’il ne lui sourit tristement et secoue légèrement la tête. « Non, pardon. Mais en tout cas, je suis sincère. » Jun Ho ne désirait pas s’étaler trop sur le sujet, il avait déjà l’impression d’en dire énormément et cela ne faisait qu’un peu plus compliqué sa situation. Il acquiesça ensuite d’une autre esquisse bien qu’il ignorait lui-même ce qu’il comptait faire.. Ce n’était pas aussi simple, il avait besoin de temps pour réfléchir et élaborer un plan mais il ferait de son mieux, il se le promettait.

Toutefois, à son autre rétorque, ses yeux avaient réagi au quart de tour, se redressant automatiquement pour fixer les siens. Est-ce qu’elle était sérieuse ? Ô il connaissait Tiffany, probablement bien plus que cette dernière l’imaginait et il savait à quel point elle pouvait être têtue, à quel point elle pouvait être déterminée et indépendante cependant il y avait certaines situations où il fallait savoir baisser les armes. Il n’était pas stupide et avait conscience que ça ne devait pas être facile de s’appuyer sur quelqu’un comme lui, principalement après ce qu’il lui avait dit et fait, hors dans de telles circonstances, elle devait compter sur les autres. Elle ne se sortirait pas de ce problème toute seule et lui le savait mieux que personne. « Tu ne peux pas gérer ça. » Son ton avait été catégorique, sévère même, avant qu’il ne reprenne sans daigner lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit. « Tu peux t’enfuir, partir à l’autre monde, leur donner de l’argent, ton corps, ton âme, tu ne seras jamais libre s’ils sont en liberté. » D’accord, peut-être était-il trop directe cependant le sujet était beaucoup trop important pour qu’elle le prenne à légère. Ce n’était pas quelque chose qu’une femme comme elle pouvait régler même si elle mettait tous les efforts désirés. Soufflant légèrement après avoir déclaré ses propos, il n’avait pas détaché son regard du sien, tout son sérieux se lisant dans ses pupilles. « C’est comme ça que ça marche dans la mafia. » Il espérait qu’elle comprenne que même si c’était dur à accepter, que même si ça la rendait mal à l’aise, elle devait accepter son aide.

Si la fleuriste avait essayé de détendre l’atmosphère ensuite, s’occupant de sa plaie, ça n’avait pas fonctionné… Parler de Noah avec lui n’avait pas été la meilleure des idées, mentionné une potentielle copine qui n’existait pas, non plus. Quoi qu’elle pense, qu’elle le maudisse ou non, Jun Ho n’avait pas cherché à savoir quand il lui avait « ordonné » d’aller se reposer ; Tiffany avait besoin de calme, de se détendre seule après tous ces évènements… Et lui aussi. Trop d’émotions grimpaient dans ses veines, le dévorant un peu plus à petit feu et il refusait de faiblir devant elle. Elle avait déjà tant de choses auxquelles pensaient qu’il ne voulait pas être un poids en plus pour elle. Cela devait être le contraire, il devait être cette épaule sur laquelle elle pouvait pleurer et se lamenter si elle le souhaitait, cette oreille attentive à qui elle pouvait se confier hors s’il laissait transparaître ses émotions, il ne serait rien de plus qu’une gêne pour la jeune femme.

Se dirigeant jusqu’à la chambre, ses lèvres s’étaient étirées dans un autre triste sourire face à l’enfant endormi tandis qu’il se chargeait de son côté à prendre des vêtements pour le soir-même et le jour suivant. Il avait fait de son mieux pour ne pas faire de bruit puis alors qu’il s’apprêtait à sortir, il avait été surpris de sentir ces doigts qui les retenaient.  Lui arborant une esquisse rassurante de plus bel, il posa doucement sa main sur la sienne comme pour appuyer son geste. « C’est normal. » Ce n’était pas grave si Tiffany ne saisissait rien à la situation du moment qu’elle lui faisait confiance… Après lui avoir souhaité une bonne nuit à son tour, il avait enfin quitté la pièce pour partir se rafraîchir d’un verre d’eau et s’échapper à l’extérieur de son appartement. Il n’était pas allé bien loin, juste devant sa porte à s’appuyer contre la barrière pendant qu’il observait les rues sans réellement fixer un point précis. Il avait besoin de s’aérer l’esprit, de se calmer et de faire en sorte d’éteindre toute cette rage qui l’accaparait… Ses doigts s’étaient fermés très forts pour former un poing avant qu’il n’en frappe doucement, mais frénétiquement, la barrière avec celui-ci. Il réfléchissait, il faisait que ça et savait d’avance qu’il ne fermerait certainement pas l’œil de la nuit. Cependant l’air du dehors l’avait tout de même à atténuer – un peu – sa colère et il avait fini par retourner à l’intérieur où, après s’être changé, il était directement parti s’allonger sur le canapé.

En effet, comme le mafieux s’en doutait, s’il avait somnolé quelque peu, il n’avait pas été en mesure de trouver le sommeil… Résigné, il s’était finalement levé quand l’horloge indiquait 5h47 puis après s’être pris un café, il s’était prélassé sous une bonne douche qui l’avait détendu l’espace de quelques temps. Avant de s’habiller, il avait prêté jeté un coup d’œil à sa plaie et avait refait le pansement que Tiffany avait posé la veille. En parlant de cette dernière, lorsqu’il était passé devant la porte de la chambre, il l’avait regardé plusieurs longues secondes, quittant les lieux ensuite. Il ne s’était pas enfui, bien sûr que non… Il s’était simplement rendu au konbini du coin afin de leur ramener de quoi déjeuner. Ses armoires étaient vides à la maison, il s’occuperait de tout ça plus tard, en revenant du travail mais pour l’heure, il voulait que tous puissent manger correctement. Il avait pensé faire vite toutefois quelle ne fut pas sa surprise quand, la porte claquant derrière lui pendant qu’il retirait ses chaussures, la jeune femme arriva à sa hauteur. « Oh. Désolé. J’ai pourtant essayé de faire doucement. » Il n’avait pas voulu l’effrayer et il s’en excusait sincèrement. Peu de temps après le concerné fit à son tour son apparition dans la pièce et les lèvres du plus vieux dessinèrent automatiquement un doux sourire. Complètement sous le charme, Jun Ho lui rendit son geste, le saluant de sa main libre… « J’espère que tu as faim. » Rétorqua-t-il d’une voix légèrement enjouée afin de détendre l’atmosphère, enchérissant sur un « Parce que j’ai ramené plein de choses » tandis qu’il levait les deux sacs en plastiques qu’il portait. En guise de réconfort, que la fleuriste ne s’inquiète pas, il se contenta de lui sourire simplement, haussant les épaules ensuite. « Allez vous installer. Je prépare tout ça et j’arrive. » Il avait encore un petit peu de temps avant de se rendre au travail donc il comptait bien en profiter.

Les laissant vaquer à leurs occupations, il s’était réfugié dans la cuisine où cette fois-ci il avait préparé trois assiettes pendant que les œufs cuisaient dans la poêle. Sur un plateau, il avait déposé une autre assiette dans laquelle il comptait mettre les toasts de confiture de fraise (sans morceaux) qu’il était en train de concevoir. Dans ses souvenirs lointains, la fleuriste adorait ça… Il ne savait pas si c’était toujours le cas à présent néanmoins il l’espérait. Ajoutant un verre de jus d’orange pour chacun, un second café pour lui, un premier pour Tiffany, il était revenu dans le salon qui faisait d’ailleurs aussi office de salle à manger puis déposa le tout sur la table. Il n’était pas un excellent cuisinier cependant il se débrouillait bien que l’un de ses œufs à lui avait fini éclaté… Dommage. Enfin prêt, chacun son plat devant lui et les toasts au milieu, le jeune homme s’était installé dans un « j’espère que ça vous conviendra. » Sachant qu’il prenait rarement le temps d’avoir un vrai petit déjeuner habituellement, qu’il fasse tout ça était réellement un exploit. « Je mange et après, je m’en vais. » Expliqua-t-il ensuite tandis qu’il commençait à manger. « Je sais que ça t’embête mais restez ici… Au moins quelques jours. » Le temps qu’il puisse arranger ou trouver un compromis pour leur protection. Ce n’était pas magique mais il ferait de son mieux.

-« Non, pardon. Mais en tout cas, je suis sincère. »

Il essayait de la rendre folle. Voilà la nouvelle raison plausible qu’elle trouvait à tout ça. Elle ne savait pas pourquoi il pourrait avoir une telle intention, mais c’était du moins ce qu’il allait réussir à faire. Avec tous ses sous-entendus, ses mots et ses gestes qui se contredisaient pourtant… Tiffany n’arrivait pas à suivre. Elle ne trouvait, en temps normal, que très peu de sens à ses rares rencontres avec lui… Là, c’était un comble ! Poser des questions l’aiderait peut-être à mieux comprendre, hélas, elle ne savait même pas lesquelles formuler et encore moins comment ! Tout était si confus, pêle-mêle et n’importe comment dans sa tête, spécialement ce soir… Un simple regard exprimant tout cela fut sa réponse silencieuse, avant qu’elle ne reprenne en acceptant son aide. Enfin, à conditions qu’on ne lui explique ladite aide, demain. La fleuriste ne savait pas comment, mais elle trouverait un moyen de ne pas rester assise les bras croisés et de faire quelque chose elle aussi. Certes, cette fois, elle lui avait fait confiance et cela ne s’était pas retourné contre elle, mais… il n’était pas question que de ça. Il s’agissait de son fils, son rayon de soleil, le sens de sa vie… Comment pourrait-elle laisser quelque chose d’aussi important sur les épaules d’une autre personne ? Qui plus est, lui ? Tiffany le croyait davantage sur certaines choses, les événements l’y forçant malgré elle. Cependant, Chul Hei restait un sujet infiniment trop sensible pour qu’elle accepte l’aide sans, au minimum, se prévoir un plan B.

-« Tu ne peux pas gérer ça. Tu peux t’enfuir, partir à l’autre monde, leur donner de l’argent, ton corps, ton âme, tu ne seras jamais libre s’ils sont en liberté. C’est comme ça que ça marche dans la mafia. »

La fleuriste roule les yeux et soupire. Elle qui peine déjà à accepter son aide… il va le lui faire répéter ? Il veut la faire changer d’avis, c’est ça ? Il n’a pas besoin de la prendre pour une idiote, elle l’a compris que la situation est dangereuse et qu’elle n’y peut probablement rien par elle-même. C’est pourquoi, même si elle ne peut s’empêcher de craindre les conséquences, elle s’est résignée à lui demander de lui partager son plan, le lendemain !

-« Aish ! Tu crois quoi ? Que je n’ai rien dans la tête ? » répliqua-t-elle, tentant de ne pas se vexer, même si c’était bien difficile. « Je le sais que c’est dangereux et que je ne peux rien y faire d’important ! C’est horrible comme sensation ! » admit-elle sincèrement, bien malgré elle.

L’émotion avait été plus forte que sa volonté, c’est dire à quel point !

-« Je te dis juste de ne pas te mettre en danger inutilement et de ne pas me dire de jouer les potiches ! Désolée de m’inquiéter pour toi, surtout alors qu’il est question de danger par ma faute ! Je ne le ferai plus ! » ajouta-t-elle, énervée, malgré elle.

Elle ponctua sa dernière phrase d’un regard noir, puis se cala dans le canapé, en soupirant. Il l’avait bien agacé…! Mais bon, c’était normal. Il était le premier à lui dire qu’il ne voulait pas d’elle dans sa vie. Enfin, le premier ? Non. Il était loin dans la liste de gens qui avaient clairement fait comprendre à la fleuriste qu’elle n’avait pas de place dans leur histoire si importante ! Pourquoi s’inquiétait-elle pour lui aussi ?! Elle était vraiment stupide à ce point ?! Il a sauvé son fils, d’accord, elle peut lui être reconnaissante. Il a été blessé en le faisant, d’accord, elle peut se sentir coupable. Plus ? Non ! Ça suffit cerveau et cœur confus, le bordel est déjà assez imposant comme ça, ne vous mettez pas en plus à faire qu’elle s’inquiète pour celui qui retournera dans son cimetière à la première occasion ! Et voilà, elle était énervée contre lui. Elle le restait toujours plus contre elle-même, cela dit. C’est pourquoi elle avait passé outre son énervement et s’était calmée afin de le soigner. La culpabilité venant remplacer la frustration, elle avait tenté de se détendre en disant des bêtises sur Noah… Jun Ho avait repris le relais sur l’énervement. Entre Tiffany, perdue, confuse, aux humeurs changeantes malgré tous ses efforts et le mafieux qui la rendait dingue… la situation était assez éclatée !


Un bruit de porte avait figé le petit. Bien que Tiffany l’avait rassuré au mieux et avait tenté d’elle-même se calmer, elle n’était pas tranquille pour autant. Elle avait fait signe à Chul Hei de rester sur place et s’était aventurée hors de la chambre, sans faire le moindre son. Le soulagement avait détendu ses épaules, en reconnaissant la silhouette du mafieux et elle l’avait « accueilli » en lui partageant la frayeur qu’il avait causé à l’enfant.

-« Oh. Désolé. J’ai pourtant essayé de faire doucement. »

Tiffany hoche doucement la tête, elle l’a bien remarqué qu’il a tenté d’être discret.

-« Il est… nerveux… c’est pour ça… » expliqua-t-elle, se sentant toujours coupable en pensant à l’état dans lequel son fils se trouvait.

Il n’est pas comme ça, normalement. En entendant une porte s’ouvrir, ce n’est pas la peur qui se dessine dans ses yeux, mais la curiosité et la joie. Chul Hei a toujours été un enfant sociable et chaleureux, les étrangers ne lui avaient jamais fait peur… avant. Elle espérait donc que cet événement ne l’affecterait pas trop et qu’il retournerait à sa nature curieuse et ouverte. Il vint d’ailleurs les rejoindre, ayant entendu sa mère parler calmement et rire. Il ne devait pas y avoir de dangers. En effet, tout allait bien.

-« J’espère que tu as faim. Parce que j’ai ramené plein de choses. »

Le petit hoche vivement la tête pour répondre qu’il a faim, puis son visage s’illumine aux promesses de délicieuses choses à manger. Tiffany ne dit rien, mais elle est surprise. Autant de le voir si naturellement reprendre cet air enjoué avec Chul Hei, afin de le rassurer, que de voir qu’il a pensé à aller chercher à manger pour eux, que de … tout simplement le voir revenir. Il a dit qu’il n’avait pas de petite amie, mais il semble doué avec les enfants. Peut-être en a-t-il eu un autre avec une autre femme ? Ils ne sont plus ensemble, ce sont des choses qui arrivent… mais c’est pour ça qu’il sait comment s’y prendre avec Chul ? Évidemment qu’il peut simplement avoir la touche naturelle avec les gamins ! Tiffany y pense aussi, mais ça n’a pas été sa première réflexion…

-« Allez vous installer. Je prépare tout ça et j’arrive. »

L’enfant lance un regard étonné à sa mère. Il a l’habitude qu’ils ne cuisinent ensemble, tous les deux, leurs repas. Bien sûr, il arrive qu’ils ne mangent ailleurs et que ce ne soit donc la tante de sa mère, qui est un peu sa mamie, ou les ami(e)s de sa mère qui cuisinent. Cependant, il a toujours souvent vu sa maman avec ces gens avant qu’ils ne cuisinent pour eux. Cet homme, lui, il l’a vu plusieurs fois et il l’aime bien, d’autant plus que c’est lui qui l’a ramené à sa maman, hier ! Mais, sa maman… elle le connaît ? Il ne les a jamais vu longtemps ensemble avant. Ils ont dormi ici, donc ce doit être un ami ?

-« Ne me regarde pas comme ça… Je suis encore plus surprise que toi ! » dit sincèrement la jeune mère à son fils, en se penchant vers lui.

Si quelqu’un comprenait ce qui se passait, elle était volontaire pour qu’on lui explique ! Tiff fit un grand sourire à son fils et replaça ses mèches rebelles avant de déposer un baiser sur son front. Il n’avait pas à s’inquiéter, elle ne laisserait plus rien lui arriver. Elle s’efforcerait d’être à la hauteur, à l’avenir. Chul Hei avait souri, appréciant toujours l’affection qu’on lui donnait. Sa petite main se glissa dans celle de sa mère et il la tira jusqu’à la cuisine.

-« Ahjussi, vous voulez de l’aide ? » avait-il lancé, tout naturellement.

Chul Hei, l’assistant de toutes les occasions. La québécoise avait caché le fait qu’elle tentait de ne pas rire, trouvant trop mignon son fils.

-« Faut pas se faire bobo encore ! » avait-il ajouté, faisant référence à son accident de « ramens » de la veille. « Je suis bon, moi, pour aider ! » renchérit-il, toujours aussi sérieux.

Si quelqu’un doutait de qui élevait cet enfant… les doutes pouvaient bien être effacés maintenant ! Tiffany était totalement biaisée, le trouvant mignon. Elle avait grimacé en l’entendant faire allusion à sa blessure, mais au moins, il avait eu l’air de croire à la bêtise qu’ils avaient inventé. Son regard avait quitté le petit, quelques secondes et elle avait été plutôt surprise par les éléments qu’elle vit. Ce n’était pas ce que Jun Ho ou n’importe quel coréen typique prenaient pour le petit déjeuner. C’étaient des choses qu’elle-même avait l’habitude de prendre, vieilles habitudes acquises au Québec qui ne l’avaient jamais complètement quitté.

-« Oui, bon, tu es le meilleur assistant, mais cette cuisine est petite pour trois personnes et on va aller te laver les mains ! » avait dit Tiffany sur un ton enjoué en venant justement prendre ses petites mains.

Rester plus longtemps dans cette cuisine allait la rendre trop confuse et l’enfant ne semblait pas vouloir être séparé d’elle, de nouveau. Autrement, il ne l’aurait pas tiré avec lui. Il aurait très bien pu y aller tout seul ! C’est ce qu’il aurait fait, normalement. Tiffany était tout de même rassurée qu’il ne reste aussi avenant. Nerveux et un peu apeuré, mais il ne se fermait pas complètement. Elle l’avait amené à la salle de bain, il s’était lavé les mains comme avant chaque repas. La québécoise en avait fait de même, en profitant pour passer un peu d’eau sur son visage. Il était clair qu’elle avait peu et mal dormi, c’était déprimant. Son apparence restait toutefois le moindre de ses soucis, puisqu’elle n’avait toujours pas trouvé la solution miracle concernant les prochains jours et le temps pressait ! Le duo mère-fils retourna au salon, s’installant sur le canapé. Ils parlaient en français, simplement parce qu’ils en avaient l’habitude entre eux. Ils s’étaient arrêtés, cependant, en voyant Jun Ho revenir. Les yeux de Chul Hei avaient commencé à étinceler devant la nourriture qui lui faisait envie. Tiffany, elle, était clairement surprise et confuse. Il s’en rappelait vraiment ? Après tout ce temps ? Jusqu’au détail de la confiture ? La québécoise était si chiante que ça l’avait traumatisé ? Ou c’était « l’exotisme » du simple repas qui l’avait marqué ?

-« J’espère que ça vous conviendra. »

-« Comme à la maison ! » s’exclame Chul Hei, qui est agréablement surpris.

Il a l’habitude que les autres coréens ne mangent pas comme eux, au petit déjeuner. Alors que Jun Ho ne semble partager le même genre d’habitude le surprend, lui aussi. Tiffany se dit qu’elle devrait l’amener au Québec, un jour. Pas pour lui faire rencontrer qui que ce soit, il n’y a plus personne d’important pour elle dans sa province natale. Cependant, il serait bien qu’il voit et vive l’expérience, en vrai. Elle lui en parle souvent, ils regardent des films et des émissions ensemble… Sauf que ça reste toujours différent. Il pourrait goûter les déjeuners typiquement canadiens, faits par de meilleurs cuisiniers qu’elle… Peut-être devrait-elle avancer ses vacances et s’y réfugier un peu… S’éloigner de la folie de Séoul. La ville semble bien les rejeter, elle aussi, de toutes manières.

-« Je t’ai traumatisé avec mon sale caractère ou c’est une coïncidence ? » demanda-t-elle, haussant un sourcil.

Elle parlait doucement, se prêtant de nouveau à la comédie qu’ils entretenaient devant Chul Hei. Ça avait été plus fort qu’elle. L’attention lui faisait plaisir, même si elle se disait qu’elle ne le devrait pas. Le petit fit entendre sa satisfaction avec un grand « Mmmm…! », attirant de nouveau le regard de sa mère qui lui sourit.

-« Je mange et après, je m’en vais. »

Tiffany hoche la tête. Elle est étonnée qu’il soit revenu, de base. Alors qu’il ait fait à manger et mange avec eux ! Son stress remonte toutefois en flèche, puisqu’elle ne sait toujours pas où aller à présent… et elle avait dit qu’elle partirait. C’était ce qu’elle voulait, oui. N’ayant pas trouvé de solution, c’était toutefois compliqué !

-« Je sais que ça t’embête mais restez ici… Au moins quelques jours. »

-« Quelques jours ?! » répéta-t-elle, plus surprise qu’elle ne l’aurait voulu.

Elle se rend compte, d’ailleurs, qu’elle a peut-être répondu trop spontanément et sourit à Chul Hei pour le rassurer. Lui, il ne voit pas de mal à rester ici, donc, il hoche la tête en levant le pouce. Tiffany aurait envie de couvrir son visage à l’aide de sa main, découragée par cette réaction. Il est adorable, mais il ne l’aide pas ! Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais la referme sans le faire. Qu’est-ce qu’elle déteste être dans cette situation où elle n’arrive pas à trouver de solutions ! Cependant, pour le bien de Chul Hei, elle doit passer outre son orgueil… Elle se mord les lèvres, le regardant qui mange innocemment.

-« D’accord… » finit-elle par marmonner à contre-cœur. « Tu me diras où je peux trouver du détergent à lessive pour que je puisse laver nos vêtements… » ajouta-t-elle en soupirant, en retournant les yeux vers lui.

Oui, bon, c’est con, mais s’ils sont pour restés là quelques jours hein ! Puis, surtout, c’est ce qu’elle a pensé plus tôt… Elle voulait habiller l’enfant, mais il est hors de questions de lui remettre ses vêtements qui sentent cet endroit où il a été retenu plusieurs heures… Tiffany aimerait en laver le souvenir. En fait, elle aimerait brûler ces vêtements. Le voir vêtu comme ça lui fera trop mal, ravivera la culpabilité. Hélas, elle ne va pas commencer à l’élever en nudiste sous prétexte qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux avant quelques jours.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] || Jun Ho n’était pas parfait, à lui aussi il lui arrivait de se méprendre et de ne pas toujours comprendre ce qu’on lui rétorquait ; encore plus avec les récents évènements et son esprit qui était plus que chamboulé. Il devait penser à tant de choses en même temps que ce n’était pas simple et que non, il n’avait pas tout à fait saisi ce que la fleuriste avait sous-entendu. Lui n’avait retenu que l’essentiel et la peur qu’elle fasse quelque chose d’insensé, qu’elle se mette en danger était tout ce qui l’avait habité. L’idée qu’on puisse s’inquiète pour lui ne lui avait pas traversé l’esprit, pas même une seconde, parce qu’en réalité, il avait toujours été seul dans ce monde là et que ce qu’il faisait chaque jour n’était en rien comparable à ce que Tiffany savait. Hors, là où il aurait dû s’emporter ou se braquer, apprendre qu’elle s’en faisait pour lui avait ravivé un instant cette douce flamme qui chauffait dans son cœur. Parce que malgré lui, c’était rassurant de voir qu’une partie d’elle ne le détestait pas totalement alors au lieu de s’énerver, le jeune homme avait souri légèrement tandis qu’il s’excusait. « Pardon, je n’avais pas compris. » Qu’il avait répliqué calmement à son tour « Moi aussi j’ai dit ça parce que je m’inquiète pour toi. Je n’ai pas envie qu’il t’arrive quoi que ce soit. » Si cela venait un jour par se passer, Jun Ho se connaissait assez pour savoir qu’il ne répondrait plus rien… « Puis même si je me mets en danger, ça ne sera pas de ta faute. Avec ce que je fais, je le suis constamment tu sais ? Peut-être que c’est égoïste mais ce n’est pas que pour vous que je fais ça, c’est pour moi aussi. » Et il en disait encore une fois beaucoup trop… La raison pour laquelle s’il avait ouvert la bouche pour continuer, il s’était aussitôt rétracté, fermant machinalement ses lèvres. Dans le fond, c’était plutôt évident qu’il cachait quelque chose néanmoins il ne mentait pas dans ce qu’il déclarait… Avant cette histoire, il enquêtait sur tous les membres de la mafia, sur chaque clan et cherchait la plus grande faille pour être sûr de les détruire à tout jamais… Il n’était toujours pas parvenu au bout cependant il savait qu’avec quelques manigances, il serait au moins en mesure de toucher ce gang qui avait osé enlever son fils. Il avait vu leurs visages, il savait à quelle partie ils appartenaient et cela certainement plus facile de les faire tomber eux que son propre père. La puissance de leur clan était moins grande donc avec un peu de chance, ça ne serait pas trop compliqué. Il l’espérait.

Le calme était revenu ensuite bien que leurs rôles s’échangèrent quelques instants plus tard et le mafieux ne fut pas en mesure de contenir cette amertume qu’il éprouvait quand le sujet de Noah était abordé. Hors, ça n’avait pas empêché la fleuriste de le soigner correctement puis tous deux s’étaient « enfuis » chacun de leur côté ensuite.

Après être parti cherché de quoi manger pour le petit déjeuner le matin suivant, le garçon ne s’était pas attendu à être accueilli de cette façon mais voir la petite bouille de son fils avait suffi à l’attendrir. Hors, il avait été encore plus surpris quand, déballant les ingrédients qu’il avait acheté, une petite voix résonna dans ses oreilles. « Quoi ? Tu veux encore être mon assistant ? » Avait plaisanté Jun Ho tout aussi naturellement que son enfant, incapable de se retenir de rire doucement lorsque ce dernier lui parla de « bobo ». Il était adorable… Vraiment. Et s’il avait voulu lui déclarer que l’idée n’était pas déplaisante, il fut couper dans son élan par la jeune femme qui le motiva à s’occuper autrement. Tant pis. Bien que son assistant était parti ailleurs, il n’eut pas trop de mal à préparer le repas et ce, même s’il ne s’agissait pas de son repas habituel.

Son sourire avait retrouvé ses lèvres une nouvelle fois en voyant que Chul Hei semblait satisfait de ce qu’il avait préparé puis il s’installa enfin à table, se servant tranquillement. Si à la remarque de la fleuriste, il avait voulu lui demander si elle croyait sincèrement à une coïncidence, il avait préféré se taire sur ce détail. « C’est simplement que dans mes souvenirs, c’était ce que tu prenais pour le petit-déjeuner. » avait répliqué le jeune homme d’un ton calme, haussant brièvement les épaules tandis qu’il commençait à manger, non pas sans leur avoir souhaité un bon appétit avant. Il expliqua son programme ensuite, lui conseillant de rester chez lui quelques jours même si ça la dérangeait. Sa spontanéité l’avait plus amusé que brusqué en réalité… C’était du Tiffany tout craché. Et il remerciait Chul Hei qui ne paraissait aucunement embêté à l’idée de séjourner ici. Sans le savoir, probablement qu’avec cette réaction, il avait été son complice de crime le plus parfait. Une nouvelle esquisse au coin des lèvres, Jun Ho lui avait mimé un clin d’œil discret avant de reporter son attention sur la jeune femme. « C’est sous le lavabo normalement, dans la salle de bain mais fais comme chez toi. » Il n’avait rien à cacher ici et tout ce qui pouvait craindre ou était dangereux, il les avait enlevé le matin même. « Je ne pourrais sûrement pas rentrer à midi donc essayez de faire avec ce qu’il y a dans les placards pour l’instant. Je vous ramènerais ce qu’il faut ce soir. » Il leur ferait des courses et leur trouverait de quoi s’occuper, histoire que leurs journées enfermées ici ne soient pas trop longues. Et même s’il aurait voulu prendre son temps pour déjeuner avec eux, il ne le pouvait pas à cause du travail qu’il attendait… C’était pourquoi il n’avait pas eu d’autres choix que de se dépêcher de manger, surtout qu’il avait encore d’autres choses à faire avant de partir. « Je vais te donner le code de la wifi et celui de la porte d’entrée si jamais tu as besoin de sortir pour une urgence. » Il lui écrirait tout sur le papier afin de ne pas alerter Chul Hei. Finissant son café, il s’était levé ensuite, leur déclarant de prendre tout leur temps et que lui n’allait pas tarder.

Il termina alors de se préparer avant d’inscrire toutes les informations nécessaires sur une feuille… Comme déclaré un peu plus tôt, il lui avait indiqué le code pour internet, celui de l’entrée, l’anniversaire de Chul Hei en vérité, puis lui avait rédigé toutes les choses auxquelles elle devait faire attention : Ne pas se connecter sur les réseaux sociaux, ne rien payer avec sa propre carte sur le web, si elle désirait sortir pour la fameuse urgence, se camoufler sous une casquette et un masque qu’elle trouverait dans l’armoire de la chambre, ne pas appeler qui que ce soit avec le téléphone qui lui avait donné (bien que pas encore en réalité), s’en servir uniquement en cas d’urgence et pour le contacter… Toutefois, il lui avait également noté des renseignements utiles pour l’appartement, comment fonctionnait la machine à laver, où se trouvait les explications pour sa télévision, lui déclarant même pouvoir acheté des films si elle le souhaitait – ses coordonnées à lui y sont pré-enregistrées – et qu’elle pouvait également utiliser ses feuilles pour dessiner ou jouer avec, histoire de l’occuper. Peut-être en faisait-il trop cependant lui-même avait peur d’avoir oublié des choses… Dans tous les cas, Tiffany pourrait l’appeler ou lui envoyer un message si elle avait besoin de quoi que ce soit.

Quand il revint dans le salon, le mafieux était enfin prêt à partir ; il s’excusa de les interrompre de leur conversation puis s’approcha d’eux, déposant le papier plié en quatre devant la jeune femme. « Normalement je n’ai rien oublié mais si jamais, tu peux m’appeler. » Expliqua-t-il posément. Et parce qu’il se doutait que non, elle ne comprendrait pas comment elle pourrait le contacter sans téléphone, il sortit son propre portable qu’il lui donna. « J’ai enregistré mon autre numéro dedans. Mais utilise le que pour ça ou pour une urgence. » Il lui arbora un sourire désolé sur ses propos avant d’expliquer qu’il allait partir, qu’il essaierait de ne pas rentrer trop tard et qu’elle ne devait pas hésiter à le contacter au moindre problème. Et il avait bien insisté sur ce dernier point.

Piquée dans son énervement qu'elle avait tout de même tenté de contrôler, Tiffany avait fini par lui répondre en termes un peu plus agressifs. Elle qui venait pourtant de dire qu’elle ne voulait pas déverser sa colère sur lui… Le pire était probablement qu’il ne s’agissait que d’un petit malentendu ! S’inquiétant lui aussi, il n’avait pas bien compris ses intentions. Sa réponse était donc toute aussi légitime que celle de la fleuriste l’avait été. Quand on s’inquiète, l’esprit s’embrouille, les sens font un peu n’importe quoi… Il était normal que Jun Ho n’ait compris de travers, interprétant dans le sens de ses craintes. Tous deux souhaitaient simplement éviter de voir l’autre souffrir ou se mettre davantage en danger. Connaissant l’esprit têtu de la québécoise, il était normal que le mafieux ait ainsi compris sa réponse. Calée dans le canapé, elle l'avait foudroyé du regard et avait noyé le reste de sa colère dans son thé, fixant le restant de boisson chaude.

-« Pardon, je n’avais pas compris. »

C’était vrai ce mensonge ? Ou c’était vraiment un mensonge pour la calmer et acheter la paix ? Son expression reste toujours aussi mécontente, mais elle se détend un peu. Il s'est tout de même excusé et sous-entend ne pas l'avoir prise pour une idiote… C'est déjà ça. Ça fait presque changement !

-« Moi aussi j’ai dit ça parce que je m’inquiète pour toi. Je n’ai pas envie qu’il t’arrive quoi que ce soit. »

Mais qu'est-ce qu’on s’en fout de s'il lui arrive quelque chose à elle ! Le plus important est Chul Hei ! Hein ? Mais il a dit quoi, au complet ? Il s'inquiète pour elle ? Mais d'où il fait ça ? Pourquoi ? La confusion revient remplacer la colère. Jun Ho n'a pas cessé d'insister sur sa sincérité, sur l'idée farfelue de lui faire confiance de nouveau, sur son inquiétude pour eux… mais aussi pour elle ? Il a peur que le service de l'enfance ne débarque chez lui pour lui confier l'enfant dont il ne veut pas, si elle meurt ? Le nom sur son acte de naissance est faux – chose apprise lors de leur dernière rencontre – et elle a déjà fait le nécessaire pour que Chul Hei ne soit entre de bonnes mains, si jamais elle vient à trépasser ou autres. Donc, si c'est ça qui l'inquiète, il n'a pas à s'en faire. Même après sa mort hypothétique, la jeune mère a appris à ne pas l'imaginer dans la vie de son fils !

-« Puis même si je me mets en danger, ça ne sera pas de ta faute. Avec ce que je fais, je le suis constamment tu sais ? Peut-être que c’est égoïste mais ce n’est pas que pour vous que je fais ça, c’est pour moi aussi. »

-« Chul Hei est sous ma responsabilité, donc si tu te mets en danger à cause d'une histoire comme celle-ci où je n'ai pas été à la hauteur, ça devient de ma faute. » insista-t-elle calmement, tout en soupirant. « Et qu'est-ce que ça t'apportes, à toi, de faire ça ? » ajouta-t-elle, en relevant les yeux vers lui, quelques secondes à peine après l’avoir « corrigé » sur son implication de culpabilité.

Tiffany s’était radoucie en lui répondant ces choses. Elle n’était pas agressive, ni fâchée. Ses mots ne prenaient pas des allures d’attaques, non, elle cherchait tout simplement à y voir plus clair. Elle n'y comprenait trop rien à toutes ces énigmes, ces mots qui entraient en conflits avec ses actes et ses expressions ! Rien ne faisait de sens, alors qu’elle se torturait littéralement pour essayer d'en faire au moins un tout petit peu ! Est-ce que la vérité ferait du sens ? Non, probablement pas ce soir. Pas alors qu'elle lui faisait confiance pour ne pas faire de mal à Chul Hei, mais doutait de presque tout le reste. Elle était forcée de le croire pour la mafia, aux vues des événements… et cela expliquait un peu mieux ses cicatrices aussi… Elle ne doutait pas de sa sécurité physique avec lui, non plus. Par instants, elle avait envie de s'avouer vaincue, de lui faire confiance sur toute la ligne et ne pas poser de questions. Faire comme avant, comme lorsqu'il était cet homme qu'elle croyait être son meilleur ami. Elle n’avait jamais voulu craquer devant lui, ne le voudrait toujours pas, mais juste pour une fois, s'appuyer sur quelqu’un et pouvoir souffler un peu. Elle était si fatiguée et cette histoire la rendait si chèvre ! Or, son meilleur ami… ça avait été Kôsei, pas Jun Ho… et Kôsei n'avait jamais été son vrai nom, de ce qu'elle en savait. Il lui avait menti sur la première partie de soi que l'on donne aux autres, son prénom… sur quoi d'autre lui avait-il menti ? Il lui avait caché faire partie de la mafia, même si bon… ça, elle pouvait presque le comprendre ! Il y avait trop de zones d'ombres, trop de questions sans réponses et de doutes. Elle ne pouvait donc pas se laisser aller, encore moins dans cette terrible épreuve, puisque cela concernait aussi Chul Hei.


Chul Hei restait encore un peu nerveux et craintif, refusant de quitter l’ombre de Tiffany. Cependant, son naturel restait bien là. Il n’était donc pas étonnant qu’il ait entraîné sa mère jusqu’à la cuisine pour aller se proposer comme cuistot.

-« Quoi ? Tu veux encore être mon assistant ? »

L’enfant avait joyeusement acquiescé d’un hochement de tête, or sa mère était venue les séparer avec d’autres projets. Elle était reconnaissante à Jun Ho de l’avoir sauvé et de les avoir hébergés pour la nuit. Toute cette histoire était bien compliquée, même s’il ne cessait de parler de sa sincérité et de vouloir leur sécurité… Il n’avait pas été présent ces six dernières années, il ne le serait pas non plus de nouveau, une fois qu’ils retourneraient chez eux, non ? Si le petit s’en rapprochait trop, il demanderait à le revoir et c’est Tiffany qui aurait l’ingrate tâche de lui dire non ! La fleuriste prenait déjà mille ans avant d’intégrer vraiment ses amis à la vie de son fils, elle n’allait pas faire comme si de rien n’était sous prétexte qu’il s’agit du père biologique ! Ce serait justement encore pire ! Surtout pour elle qui sait et qui serait celle qui entendrait les constantes questions et passerait pour la méchante de l’histoire… Elle souhaitait simplement protéger son fils de blessures futures d’un genre qu’elle connaissait que trop bien. Puis, il faut admettre qu’elle-même était plus que confuse dans toute cette histoire. Ils étaient réveillés depuis un petit moment, mais il restait trop tôt pour jouer à la petite famille, qui n’est pas une petite famille, mais en est une ! Si Tiffany pouvait gagner quelques minutes de calme et d’éloignement de la confusion, elle en profitait.

Elle n’aurait su dire ce qui avait été le plus étrange : se retrouver tous les trois à table pour petit déjeuner, le repas préparé pas Jun Ho, le fait qu’il ne se rappelle même de certains détails… ou juste toute la situation ! Chul Hei, lui, n’en savait rien, donc il était bien content de commencer sa journée avec au moins une chose de familière ! Il était déjà assez dépaysé comme ça, se retrouvant dans un appartement inconnu avec rien à lui. Ce repas, bien que tout simple, suffisait à faire son bonheur. Tiffany appréciait l’attention, mais ne put retenir son étonnement.

-« C’est simplement que dans mes souvenirs, c’était ce que tu prenais pour le petit-déjeuner. »

-« C’est bien ça… Je suis juste… surprise que tu t’en rappelles… » admit-elle en lui lançant un regard perplexe.

La fleuriste aussi se rappelait de ce que lui avait l’habitude de prendre au petit déjeuner, cela dit. Mais… n’avait-il pas vécu la même relation… sans pour autant vraiment la vivre ? C’était normal qu’elle ne s’en rappelle, elle pensait qu’il était son meilleur ami et avait développé de stupides sentiments pour lui. Sauf que lui… il s’était bien moqué d’elle au final, disparaissant sans prévenir et ne levant pas le petit doigt, alors qu’il savait visiblement qu’il avait un fils. Donc, ce genre d’informations n’aurait pas dû rester plus de deux secondes dans son cerveau. Sa surprise avait été plus grande encore lorsqu’il avait ramené l'idée qu’ils ne restent chez lui, sur une durée … plus longue que deux minutes. L'enfant, innocence incarnée avait martelé lui-même le dernier clou du cercueil de sa mère. Chul Hei avait offert un adorable sourire à Jun Ho, ne comprenant pas pourquoi on lui faisait un clin d'œil, mais appréciait le geste. Tiffany avait demandé pour la lessive, seule tâche moindrement utile qu’elle pourrait faire… Elle trouvait ça con de le demander et détestait ça, ce n'était rien, ça semblait si futile dans la situation… Mais elle et l'enfant n'avaient pas d'autres tenues pour les quelques jours. Ils n'avaient rien à eux, en fait.

-« C’est sous le lavabo normalement, dans la salle de bain mais fais comme chez toi. »

La fleuriste avait hoché la tête en prenant une gorgée de café. C’était extrêmement bizarre qu’il ne lui dise de faire comme chez elle. Elle se sentait particulièrement… pas chez elle, justement. Sans cette situation extrême, jamais ils n'auraient vécu ce genre de matin, non ? Jamais elle n'avait pensé le vivre, ça non plus, même si c’était plus agréable que la panique et la terreur de la veille. C’est pourquoi elle préféra ne rien dire, ne voulant pas paraître désagréable alors qu’il faisait visiblement des efforts pour que les choses ne se passent bien ? C’était… perturbant. Tiffany n'allait toutefois pas se plaindre qu'on ne vienne pas lui ajouter plus de malheurs pour autant.

-« Je ne pourrais sûrement pas rentrer à midi donc essayez de faire avec ce qu’il y a dans les placards pour l’instant. Je vous ramènerais ce qu’il faut ce soir. »

Elle l'avait écouté avec attention, mangeant tranquillement et observant Chul Hei du coin de l'œil. Il ne semblait gêné par rien de cette situation.

-« Hum. Okay… ça devrait aller… » se contenta-t-elle de répondre, se disant qu’elle trouverait bien.

L'enfant était relativement calme, même. Ses soucis étaient ailleurs, mais comme elle en avait étrangement présente par le passé… il s'entendait bien avec Jun Ho. Tiffany se disait que c’était parce que c'est un gamin sociable qui est gentil avec tout le monde, mais entre temps, elle avait pu y repenser un peu… c'était tout de même un peu bizarre. Aujourd’hui et hier encore, alors qu’il avait peur, était nerveux… il réagissait bien au mafieux. Peut-être était-ce parce que c’était lui qui avait été le chercher, seul visage amical dans son horrible soirée. Puis, elle se disait aussi que c’était lui qui le lui avait ramené et comme Tiffany elle-même n'en avait pas peur, le gamin n'avait pas de raisons de s'en méfier. Il mangeait tranquillement, un fin sourire aux lèvres. Il admit être content de ne pas devoir aller à l’école aujourd’hui, préférant rester avec sa maman. Tiffany lui sourit, même si ce commentaire était un peu triste. Chul Hei aimait pourtant l'école, normalement. Il aimait y jouer avec ses amis, apprendre de nouvelles choses… cela montrait bien qu’il restait apeuré. Chose normale.

-« Je vais te donner le code de la wifi et celui de la porte d’entrée si jamais tu as besoin de sortir pour une urgence. »

La québécoise haussa un sourcil, se demandant bien à quoi pourrait lui servir le code de la Wi-Fi. Elle n'avait plus de téléphone, pas son ordinateur portable ni rien d'électronique avec elle. Elle hocha toutefois la tête, le code de la porte pourrait être une option non négligeable… Jun Ho s'était sauvé pour terminer de se préparer, Tiffany et Chul Hei avait terminé de manger, peu après. Même si c’était un peu bizarre, ils avaient fait comme ils l’auraient fait à la maison : ils avaient débarrassé la table et été faire la vaisselle. La jeune mère avait passé un linge sur le comptoir de la cuisine et Chul Hei en avait passé un sur la table. Chacun avait ses tâches, même si évidemment, l'enfant était davantage un assistant ou une cheerleader qu'une réelle aide. Il aimait ça aider sa maman, ça lui donnait l'impression d’être un homme déjà. Ils étaient ensuite retournés au salon et elle lui avait demandé s'il y avait un jeu auquel il souhaitait jouer, quand Jun Ho s'excusa de les interrompre.

-« Normalement je n’ai rien oublié mais si jamais, tu peux m’appeler. »

Okay… mais comment ? Un signal de détresse dans le ciel ? Un cri dans la nuit ? On est le jour. Des signaux de fumée ?

-« J’ai enregistré mon autre numéro dedans. Mais utilise le que pour ça ou pour une urgence. »

Elle prit le téléphone et le posa sur la feuille pliée qu’elle n'avait pas lu encore. Comme ça, elle la lirait après et elle ne perdrait pas l'appareil. Tiffany l'écoutait, hochant la tête pour bien le montrer. Il insistait vraiment pour qu'elle ne l'appelle au moindre problème. Mais sérieusement… il le savait qu’elle ne le ferait pas ? La fleuriste trouverait bien comment gérer une journée anormale… mais sans dangers. Non ? S'ils ne sortaient pas, tout irait bien, non ?

-« Tu sais que je ne suis pas Karen, 10 ans, sans expériences de baby-sitting ou de vie ? » demanda-t-elle en haussant un sourcil, se demandant pourquoi il insistait autant. « On ne sortira pas, personne ne sait que nous sommes ici. Tout ira bien. » dit-elle calmement, cherchant à se rassurer mais aussi à rassurer Jun Ho et le petit témoin nerveux. « Toi, fais ta journée normale comme si on n'était pas là, rentres … bah quand tu rentreras. T’inquiètes pas, tu n'as pas de comptes à me rendre… Et… ne fais pas de ramens à personne. T'es pas doué et on manquera de bandages magiques si tu en fais trop… » ajouta-t-elle, ayant toutefois fait une pause de plusieurs secondes avant d'ajouter la partie sur les ramens.

D'ailleurs, c’était avant de dire ces derniers mots qu’elle avait détourné le regard, un peu embarrassée. Elle lui avait quand-même fait la gueule, la veille, en disant qu’elle ne s’inquiéterait plus pour lui… et ce matin, elle lui disait d’être prudent. Chul Hei l'avait corrigé, disant qu’il était doué, mais simplement maladroit. L'enfant lui avait donc conseillé de faire plus attention à lui. Puis, ils ne l'avaient pas plus retenus, ne souhaitant pas le mettre en retard et lui avaient souhaité une bonne journée. Même si elle souriait, Tiffany ne pouvait s'empêcher de s’inquiéter. Sa situation étant délicate, que ferait-elle s'il ne revenait pas ? La fleuriste préféra ne pas y penser, puis, une fois seule avec son fils, lui proposa de faire cette fameuse lessive. Elle lui demanda de prendre les vêtements de Jun Ho qui étaient pliés sur le canapé, autans les laver en même temps… Une autre drôle de journée commençait ainsi pour eux, qui tentaient de se rassurer et de revenir à quelque chose de plus normal, ne pas penser à l’incident traumatisant tout de suite…

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] || « De pouvoir enfin avoir une vie normale ? » Sa réponse avait été machinale… De nouveau, Jun Ho n’avait pas réfléchi avant de parler, les mots s’échappant d’eux-mêmes sans qu’il n’ait eu le temps de les contenir. Hors, c’était la vérité… Il le faisait dans l’objectif de pouvoir sortir de cette cage transparente dans laquelle il était emprisonné depuis son enfance bien qu’en réalité, il n’était pas certain qu’il puisse avoir un échappatoire. La fin de son clan le conduirait très certainement derrière les barreaux lui aussi, si on ne lui avait pas ôté la vie d’ici là… « Et pour que ça arrive, tous doivent être enfermés. » C’était probablement la raison pour laquelle il comprenait mieux que quiconque la situation dans laquelle Tiffany était désormais. Il n’avait pas eu d’autres choix que de vivre cette vie depuis des années, incapable de s’en échapper totalement puisque peu importai où il essaierait de s’enfuir, il était certain qu’on le retrouverait.

Sincèrement, Jun Ho aurait tant voulu lui en dire plus, lui expliquer qu’elle pouvait lui faire confiance et que s’il lui avait caché bien des choses, ses sentiments à son égard avaient toujours été réels. Il n’avait jamais été autant lui-même qu’en sa présence néanmoins c’était un détail que la fleuriste ne pouvait pas savoir s’il ne lui avouait pas… Tout ce qu’il avait souhaité était de la préserver elle, et plus tard leur fils, d’une vie dangereuse et accablante. Peut-être avait-il été lâche dans son attitude cependant l’idée même de la perdre le terrifiait plus que n’importe quoi d’autre et c’était le pourquoi il avait pris la décision de s’éloigner. Cela n’avait pas d’importance si la jeune femme le détestait, le maudissait ou doutait de lui… Du moment qu’elle était en sécurité et qu’elle vivait bien, il s’en satisfaisait. A présent, c’était plus compliqué… Jun Ho n’était pas en mesure de s’en contenter parce que pour la première fois depuis six ans, le danger avait commencé à roder auprès d’eux. Rester là sans rien faire ? Il en était incapable.

Dans le fond, Tiffany avait sûrement bien fait de ne pas céder aux caprices de Chul Hei puis de l’emmener ailleurs pendant que le mafieux cuisinait. Vouloir passer un peu de temps avec son enfant était égoïste puisque comme l’avait pensé la jeune femme, une fois tout ça passait, il ne reviendrait plus dans leur existence. Ce n’était pas l’envie qui manquerait, c’était certain mais il ne devait pas modifier ses principes sous prétexte qu’il les aimait trop et qu’il donnerait tout pour rester à leurs côtés. Ce petit moment de « famille » n’était qu’éphémère et il s’évaporerait pour toujours dés qu’ils reprendraient tous le cours de leur vie… Mais il ne pouvait pas nier que c’était agréable et que même dans ses rêves les plus fous, il n’aurait pas pu désirer mieux.

En assis à table, Jun Ho avait jugé mieux de ne pas répondre à la remarque de la fleuriste et s’était contenté de lui sourire avant de hausser les épaules. Evidemment qu’il s’en souvenait… Elle n’était pas rien à ses yeux, elle n’était pas qu’une vulgaire personne qu’il s’était servi pour avoir un semblant de compagnie. Elle était cette femme qu’il n’avait jamais cessé d’aimer et que oui, si elle était son amie, elle était aussi celle qui avait toujours occupé la première place dans son cœur. Maintenant ils étaient deux mais sur ce point-là, il était certain que Tiffany ne lui en tiendrait pas rigueur. C’était bizarre de partager un repas tous les trois, leur tout premier néanmoins bien que le temps lui manquait, le mafieux en profitait au maximum pour apprécier. Là où la fleuriste était mal à l’aise, lui n’éprouvait pas la moindre gêne… Si elle désirait écourter au plus vite le moment, lui voudrait l’allonger le plus longtemps possible. Hors, on n’avait malheureusement pas toujours ce qu’on souhaitait dans la vie.

Après lui avoir expliqué tout le nécessaire, Jun Ho les avait abandonné pour vaquer à ses occupations, noter toutes les informations sur un papier puis il était revenu, lui offrant également son propre téléphone. Il n’avait pas songé à ce qu’il avait à l’intérieur puisqu’il ne s’en servait habituellement que pour appeler ou envoyer des messages… Il aurait probablement le temps de s’en alerter plus tard quand son esprit serait plus reposé et serein. C’était vrai aussi qu’il était certainement la dernière personne que la jeune femme aurait envie de contacter cependant ça ne l’avait pas empêché d’insister… Il était vraiment inquiet pour eux et la simple idée de les laisser seuls ici le tracassait. Il savait qu’ils n’avaient rien à craindre dans cet appartement mais dans ce genre de situation même le plus sage des moines deviendrait paranoïaque. « Je sais mais n’hésite pas quand même si besoin. » Avait répété le mafieux pour la énième fois « Et promis, je ferais attention. » Une rétorque qu’il n’avait pu s’empêcher de répondre quand l’enfant avait corrigé sa mère sur sa préparation des nouilles. Il était vraiment adorable et Jun Ho ne cesserait jamais de le penser. Ce n’était que la vérité après tout.

Bien que cela fut difficile, il les avait réellement quitté ensuite et si la dernière fois qu’il avait laissé Tiffany il n’était jamais revenu, ce ne serait pas le cas aujourd’hui. Les circonstances étaient bien différentes et tant qu’il ne serait pas certain de leur sécurité, il continuerait de rester auprès d’eux… Que ça leur plaise ou non d’ailleurs. La journée au travail lui avait semblé longue, plus longue que d’habitude et il avait si souvent la tête dans les nuages qu’on lui avait demandé à plusieurs reprises s’il allait bien. C’était plus fort que lui, il ne parvenait pas à ne pas se tourmenter… La raison pour laquelle il n’avait pas résisté à envoyer quelques messages à Tiffany dans la journée – pas trop non plus, ne voulant pas paraître trop lourd et insistant – souhaitant savoir si tout se passait bien et s’ils n’avaient besoin de rien. Avant de quitter son bureau, il l’avait questionné pour les courses, s’il y avait des choses en particulier qu’elle désirait et d’autres qu’il ne fallait pas acheter parce qu’elle ou Chul Hei en était allergique. C’était un trait de sa personnalité qui n’avait pas changé… Jun Ho avait toujours été soucieux et attentifs à ses proches. Avec Tiffany, c’était pareil à l’époque, il lui posait souvent des questions inutiles tout comme il s’inquiétait pour des futilités. Mais c’était à ce point qu’il tenait à elle et c’était justement parce qu’ils étaient aussi importants pour lui qu’il souhaitait faire les choses bien.

Cela faisait des années que le mafieux ne s’était pas autant perdu dans un supermarché, prêtant attention à chaque produit sur lequel son regard se posait et si ça l’intéressait, il le mettait dans le caddie. D’habitude il se contentait de bricole qu’il achetait à l’épicerie mais ayant maintenant une « famille » à nourrir, ce n’était pas suffisant. Puis alors qu’il avançait dans les rayons, ses pas s’étaient arrêtés en voyant les rangés de vêtements qui étaient installés. C’était vrai que si Chul Hei et sa mère étaient obligés de vivre chez lui pendant quelques jours, ils n’avaient rien à se mettre… Enfin, Tiffany pouvait toujours se vêtir de ses habits à lui mais pour l’enfant, c’était plus compliqué. Et là où il aurait juste pu attraper deux ensembles au hasard puis les balancer dans son charriot, Jun Ho avait sérieusement pris son temps pour choisir ce qui pourrait plaire à son fils. Ce serait la première fois qu’il lui offrirait quelque chose en face à face alors il voulait y mettre sincèrement tout son cœur. Lorsqu’il eut choisi, prenant deux tenues complètes ainsi que deux pyjamas, il termina ses courses au rayon jouets. Dés l’instant où il avait quitté son appartement le matin même, il y avait songé… Parce que mis à part la télévision et des feuilles pour dessiner, il n’y avait pas grand-chose pour s’occuper et l’enfant risquait de très vite s’ennuyer. En plus de feutres et crayons, carnets de coloriages, petites voitures, garages et Playmobil, il avait acheté quelques jeux de société correspondant à l’âge du petit.

C’était ainsi donc avec la voiture chargée de courses qu’il s’était garé en bas de son immeuble. Le coffre grand ouvert, il avait dû effectuer de nombreux allers-retours entre son étage et le « parking », laissant à chaque fois les sacs devant la porte tandis qu’il redescendait.  Une fois tout débarrassé, il était parti ranger le véhicule dans son garage pour retourner enfin à son appartement où toutes les courses l’attendaient. Ouvrant doucement la porte en premier lieu, il la bloqua à l’aide d’un sac avant de retirer ses chaussures dans un « Je suis rentré. », retrouvant ensuite Tiffany qui était venue le rejoindre accompagné par l’assistant de la maison et lui ne put que sourire chaleureusement en les voyant. Ses deux invités souhaitant l’aider, il avait laissé fleuriste porter ceux qu’elle voulait tandis que cherchant un sac pour Chul Hei, il lui tendit celui dans lequel se trouvait ses vêtements. « Il est pour toi celui-là en plus. » Dit-il en lui faisant un clin d’œil avant de s’aventurer dans l’appartement, ses propres sacs en mains, tandis qu’il expliquait de tout mettre dans la cuisine. D’un point de vue extérieur, ils donnaient réellement l’image d’une famille typique et heureuse hors ce n’était en vérité qu’une vulgaire illusion qui disparaîtrait aussitôt que tout serait arrangé.

-« De pouvoir enfin avoir une vie normale ? Et pour que ça arrive, tous doivent être enfermés. »

Hein ? C’était quoi cette réponse ?! Tiffany ne doutait pas de sa sincérité, puisqu’il n’avait pas réfléchi une seconde. Le problème ne résidait toutefois pas tant dans l’intention de ses mots, cette fois, mais bien dans ceux-ci ! Les aider lui permettrait d’avoir une vie normale ? Dans le sens qu’ils le dérangeaient, là, maintenant ? Oui, la situation la dérangeait, elle aussi, mais elle n’allait pas le lui mettre dans la figure comme ça ! Pouvait-elle le tuer maintenant ? Non… la jeune mère savait qu’elle devrait au moins attendre que cette histoire ne soit réglée, qu’elle puisse sortir sans craindre pour son fils, de nouveau. S’il voulait tant se débarrasser d’eux, pourquoi ne les avait-il pas ramenés chez eux ? C’est bien là qu’on les retrouverait facilement et qu’on s’arrangerait pour enlever cette gêne de sa vie, non ? La québécoise se mordit les lèvres, prenant une grande inspiration pour se calmer avant de l’assassiner sur place.

-« Et qu’est-ce que tu veux dire par une vie normale ? » demanda-t-elle, s’efforçant à rester détendue.

Peut-être qu’il sous-entendait autres choses… Elle ne savait pas quoi, mais peut-être ! Parce que, justement, se débarrasser d’eux et ne pas venir les aider aurait probablement été la solution la plus facile. S’en mêler venait tout compliquer, sur bien des points. Ça, Tiffany n’avait pas besoin qu’on ne le lui dise pour s’en douter. Le mafieux avait tellement insisté, encore et encore, pour les garder loin de lui et de sa vie. Les ramener dans son propre appartement, c’était à l’opposé ! Et il lui parlait d’une vie normale en guise de motivation ? Elle était la seule à ne pas comprendre ? N’importe qui d’autre à sa place aurait vu l’évidence même et aurait fait du sens de toute cette histoire ?

Le repas avait été… étrangement agréable ? Tiffany avait été plus que surprise de voir qu’il se rappelait de ce qu’elle avait l’habitude de manger au petit matin. Chul Hei avait apprécié, ce simple détail l’avait aidé à se sentir un peu mieux. Au moins une chose de familière pour le petit qui, même s’il se sentait en sécurité avec sa mère et le monsieur, se sentait toujours un peu anxieux. Il souriait tout de même, tranquille. L’idée de ne pas aller à l’école le rassurait. L’enfant ne pouvait s’empêcher d’avoir peur que de nouveaux inconnus ne tentent de l’éloigner de sa mère, de nouveau. Son visage avait désenflé, reprenant son aspect normal. Les marques à ses poignets et ses chevilles étaient moins visibles, Tiffany sentait son cœur se serrer chaque fois qu’elle posait les yeux dessus. Elle avait accepté de rester, même si la durée indéterminée et possiblement longue la dérangeait. C’était pour le moment, la solution la plus sécuritaire. Chul Hei était sa priorité, donc il passait avant toute la confusion que Jun Ho pouvait soulever en elle. Chose qu’il ne cessait de faire en agissant… exactement comme avant ? Avait-il oublié cet épisode de 6 ans durant lesquels ils ne s’étaient plus parlé ? Et leurs derniers rapides et courts échanges ? La québécoise ne lui demandait que ne pas faire peur au petit et d’entretenir une politesse minimale devant lui, pas plus ! Puis, même quand Chul n’était pas là, Jun Ho ne devenait pas froid pour autant. Il restait étonnamment le même qu’avant ?

-« Je sais mais n’hésite pas quand même si besoin. »

Sérieusement ? Il allait lui dire combien de fois ? La jeune femme allait commencer à douter de sa sécurité dans cet appartement, à ce rythme ! Pourquoi devrait-elle l’appeler ou lui envoyer des messages ? La journée devrait se dérouler… dans la lenteur la plus absolue et déroutante, mais elle n’allait pas l’appeler pour ça !

-« Et promis, je ferais attention. »

L’enfant lui avait répondu par une tentative maladroite, mais adorable, de clin d’œil. Tiffany avait souri en le voyant faire, le trouvant toujours aussi adorable. Jun Ho était parti, laissant la mère et son enfant seuls. L’étrangeté de la situation n’avait fait que retomber mollement sur les épaules de la jeune femme. Même si le mafieux n’était plus là, ils étaient tous les deux dans son environnement de vie. La première chose qu’elle avait voulu faire : la lessive. Avec un peu de chance, les vêtements seraient rapidement propres et secs. Ils pourraient ainsi s’habiller sans devoir fouiller dans la chambre de leur hôte. Il faisait chaud, toutefois, donc Chul Hei était content de ne porter qu’un grand t-shirt. Avec l’aide de son petit assistant, elle avait tout mis dans la machine et avait lancé l’opération « vêtements propres ». Ils étaient ensuite retournés au salon, Tiffany avait cherché feuilles et crayons, puis, ils s’étaient installés sur le canapé. La fleuriste avait demandé à son fils de lui montrer ce que Sang Min lui avait récemment appris à dessiner. De son côté, elle avait pris la feuille laissée par Jun Ho, s’attendant à n’y voir que deux codes, mais avait été surprise d’y trouver la suite cachée du Seigneur des anneaux. Vraiment ? Il s’était donné le mal d’écrire tout ça ? Il la pensait si stupide à ne pas savoir utiliser une machine à laver ? Ou… il s’inquiétait vraiment à l’idée qu’ils ne s’ennuient ou qu’il ne leur arrive quelque chose d’incroyablement banal ? Voir ce pavé lui avait arraché un petit sourire, malgré elle. Ça la ramenait loin, ce genre de comportement… Heureusement, Chul l’avait ramené au présent en lui montrant fièrement son dessin. Tiffany lui avait souri et l’avait complimenté avec chaleur.

Elle avait replié la feuille d’instructions et avait plutôt commencé à dessiner avec lui. Ils avaient continué jusqu’à ce que la lessive ne soit terminée et ils avaient été la mettre à sécher. La journée s’était déroulée dans le calme, ils avaient trouvé à s’occuper : dessiner, jouer au tic-tac-toe, s’improviser un repas au midi et tout ranger ensuite. Son cœur se serrant, elle lui avait remis les mêmes vêtements que la veille. Enfin, elle s’était contentée de son pantalon, son t-shirt et ses chaussettes. Pas besoin de lui remettre sa petite veste coupe-vent, cependant, elle ne pouvait que repenser à la veille en le voyant comme ça. Elle-même avait remis sa chemise blanche et son pantalon, délaissant la veste qui était tachée, de toutes manières. Ils avaient plié les vêtements de Jun Ho, les posant sur la commode de sa chambre, puis Tiffany lui avait proposé de regarder un film. La québécoise avait été confuse de recevoir des messages sur le téléphone. Si le mafieux n’avait pas enregistré son numéro, elle n’y aurait pas répondu et n’aurait même pas regardé les messages suivant le premier. Elle lui répondait de manières courtes et précises, cherchant à le rassurer, malgré elle. À moins que ce n’était elle-même qu’elle rassurait avec ces quelques mots… Chul Hei n’avait pas voulu être séparé d’elle de la journée, restant toujours dans la même pièce et lui tenant presque tout le temps la main.  Tiffany avait fini par s’endormir sur le film, épuisée de sa nuit trop courte. L’enfant l’avait laissé dormir, se contentant de se blottir contre elle en regardant le film. Le téléphone avait vibré, attirant son attention. Comme il avait vu sa mère l’utiliser et répondre relativement vite toute la journée, il se leva pour prendre l’appareil et réveilla doucement sa maman.  La jeune femme paniqua, une seconde, mais se calma immédiatement en le voyant et lui sourit. Elle lui caressa les cheveux, déposa un baiser sur son front et le prit contre elle, avant de prendre le téléphone et lire le message. Jun Ho allait rentrer et voulait savoir ce qu’ils voulaient pour les courses.

Elle lui répondit en lui demandant des choses que Chul Hei aime, préférant faire plaisir à l’enfant en premier lieu. Ils avaient ensuite repris le film qui se termina un peu avant le retour de Jun Ho. Tranquillement, le duo avait rangé ce qu’ils avaient sorti pendant la journée. La porte s’était ouverte, alors que Chul Hei jouait au fleuriste, attribuant le rôle de cliente à sa mère. Il avait relevé la tête, se prenant pour un homme-suricate.

-« Je suis rentré. »

L’enfant avait souri et attrapé la main de sa mère pour la suivre jusqu’à l’entrée.

-« Bonjoooooouuuur ! » avait joyeusement lancé Chul Hei.

Il avait passé une bonne journée, lui. Ça avait été bizarre de ne pas être à la maison, mais il avait joué toute la journée avec sa maman ! Elle, elle avait été anxieuse, s’était inquiétée, avait culpabilisé et s’était forcée à sourire chaque fois qu’elle voyait ses petits poignets… mais, ça, il ne pouvait pas le savoir ! Tiffany avait fait au mieux pour lui changer les idées, ça avait marché pour lui, mais pas pour elle. Elle s’était contentée d’un sourire et d’un hochement de tête pour saluer Jun Ho, il semblait bien encombré, donc pas trop le temps de faire la conversation. Il n’avait pas l’air d’avoir mal nulle part, c’était déjà ça. Le duo se rapprocha tout naturellement, venant imposer leur aide. Tiffany prit soin de choisir des sacs quand-même lourds, Chul Hei ne pourrait pas les transporter et elle se doutait que le mafieux ait fait attention à son bras, aujourd’hui.

-« Il est pour toi celui-là en plus. »

Une adorable expression de surprise s’était dessinée sur le visage du gamin qui avait regardé Jun Ho, puis sa mère, attendant l’accord de celle-ci. Elle avait haussé un sourcil, se demandant ce qu’il avait pu lui ramener. Tiff sourit toutefois à l’enfant, hochant la tête pour lui dire qu’il pouvait le prendre. Le visage de l’enfant s’était illuminé, tout content et il avait sorti un premier haut qu’il montrait fièrement à sa mère, qui se dirigeait vers la cuisine. Bon, le timing, c’était pas trop ça hein… La québécoise lui dit qu’il était très beau, mais qu’elle terminait de ranger et qu’après, elle regarderait avec lui. Chul Hei avait regardé son sac avec hésitation, puis avait fini par le poser et venir plutôt aider sa mère et le monsieur. Il avait pris un sac de courses et en sortait les articles qu’il leur donnait. Tiffany rangeait selon les instructions de leur hôte. Une fois qu’ils eurent terminé, le petit n’avait pas perdu plus de temps et avait attrapé son sac, pour en montrer le contenu, tout content, à sa mère. Les vêtements étaient très beaux et lui plaisaient beaucoup. La jeune femme voyait qu’ils allaient être un brin trop grands, pour un des hauts et un pyjama, mais il pourrait quand-même les porter sans problèmes. Elle préféra ne pas le dire, ne voulant pas faire de commentaires négatifs sur les efforts… surprenants… de Jun Ho.

-« Merci ahjussi !! » dit joyeusement l’enfant, alors que Tiffany s’occupait de replier les vêtements afin qu’ils ne traînent pas.

Elle aussi lui était reconnaissante, elle n’aurait pas à le voir plus longtemps dans ces vêtements qui la rendaient folle. Tiffany se demandait ce qu’elle devait dire ou faire maintenant. Habituée à sa routine seule avec son fils, y ajouter une troisième personne, même pour une période limitée était étrange… surtout lui. La québécoise servit un verre d’eau à son fils, qui venait de lui en demander un.

-« Tu… n’as pas eu trop de difficultés à trouver…? » demanda-t-elle, ne sachant même pas trop de quoi elle parlait exactement elle-même.

Certains aliments ? La taille des vêtements pour Chul Hei ?

-« Et merci pour les vêtements… Je n’allais pas supporter de le voir porter ça tous les jours… » admit-elle avec un sourire forcé, en tournant la tête vers le petit qui buvait tranquillement. . « Ça va ton bras ? » demanda-t-elle, inquiète, en reposant son regard sur lui.

Il pouvait insister avoir l’habitude et nia nia nia, elle s’en fichait. Elle, elle avait l’habitude de s’occuper de son fils, ça ne l’avait pas empêché de lui envoyer ce qui lui avait paru être mille messages pour savoir si tout se passait bien ! Chacun son truc hein !

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] || Qu’est-ce qu’il voulait dire par avoir une vie normale ? Ses iris s’étaient machinalement détournées vers la jeune femme, la fixant un bref un instant. Probablement que ce qui était évident pour lui ne l’était pas forcément pour les autres… Pourtant, ça lui avait semblé logique mais encore une fois Jun Ho oubliait qu’on n’était pas dans son esprit pour comprendre ce qu’il pensait réellement. Un faible sourire orna ses lèvres tandis qu’il reposait son regard devant lui avant de répondre enfin à sa question. « Ne plus avoir à mener de double vie, pouvoir être juste moi-même, sortir tranquillement dehors sans avoir peur de me faire tuer, aimer comme je le veux sans avoir peur qu’on m’enlève ceux que j’aime, ne plus être enchaîné dans un milieu qui ne me correspond pas, pouvoir simplement profiter sans penser à rien… Une vie normale quoi. » Comme celle que Tiffany avait mené jusque là mais qui serait sûrement un brin différente à présent avec les récentes péripéties. Soufflant après rétorqué ses propos, il détourna légèrement son visage afin de grimacer discrètement et pester contre lui-même pour tout ce qu’il venait de déblatérer. « Enfin, arrêtons de parler de ça. » Lui demanda-t-il calmement malgré tout ; ils devaient impérativement changer de sujet puisqu’il était sérieusement en train de trop en dire et il avait beau se le répéter mainte et mainte fois, il continuait. La fleuriste avait cet effet incroyable sur lui et ce n’était certainement pas prêt d’aller en s’arrangeant.


Le jour suivant arrivant plus rapidement que le mafieux ne l’aurait cru, si manger avec eux pour la première fois avait été extrêmement agréable, le reste de la journée lui parut terriblement long. Parce qu’il n’avait pu s’empêcher de se tracasser, parce qu’il les avait toujours fui pour les protéger de sa présence mais les voilà maintenant un peu plus liés à lui qu’ils ne l’étaient déjà. Non, personne savait et Jun Ho faisait toujours attention néanmoins ça le tracassait malgré tout… Il était désolé de devoir leur imposer tout ça, désolé que Chul Hei ait dû faire face à un tel drame et il espérait sincèrement que ce dernier s’en remettrait vite. Lui promettait de faire de son mieux pour coincer rapidement ces pauvres types et leur faire mordre la poussière. Il avait entamé ses recherches le jour-même, pris quelques dossiers avec lui pour travailler dessus plus tard dans la soirée et réfléchir à un vrai plan…

Ensuite, faire les courses avait été un grand mystère pour lui ; il était tellement peu habitué à se rendre dans les supermarchés qu’il avait été surpris par tous les produits proposés dans un tel magasin. Il s’était clairement perdu entre tous les rayons et avait acheté bien plus que ce qu’on lui avait demandé. Si Tiffany lui avait donné uniquement les informations sur ce qu’adorait leur fils, il n’avait pas résisté à prendre de la nourriture que la jeune femme aimait par le passé… Ses souvenirs n’étaient pas détériorés, il se rappelait parfaitement quel était son parfum préféré, ce qu’elle mangeait le plus et ses pêchés mignons. Il n’aurait pu dire combien de temps exactement il avait passé dans le supermarché toutefois lui-même était certain d’y être resté au moins deux bonnes heures ; le temps de découvrir et de trouver tout ce qu’il cherchait.

Son visage s’était illuminé aussitôt à la vue du petit bout qui était venu l’accueillir et Jun Ho l’avait salué à son tour, lui donnant un petit sac puisque Chul Hei souhaitait aider. Le voir tout heureux par son cadeau ne fit que réchauffer un peu plus son cœur puis tous ensemble, ils avaient apporté les courses dans la cuisine. Lui non plus n’était pas habitué à avoir une ambiance si gaie dans son appartement cependant cela n’avait rien d’agaçant ; au contraire, il aurait voulu que cela soit ainsi tous les jours… Cela lui donnait vraiment l’impression de vivre cette vie normale qu’il avait mentionné la veille. Et réaliser que d’ici quelques jours il perdrait tout ça, retrouverait sa bonne vieille routine fit naître un instant une expression mélancolique sur sa figure pendant qu’il rangeait les affaires dans les armoires de la cuisine. Son fils était une véritable bouffée d’air frais, il s’en apercevait un peu plus en ce moment puisque en quelques secondes à peine, il était parvenu à lui faire oublier ses pensées négatives puis lui redonner le sourire. « Je t’en prie. » Avait alors rétorqué Jun Ho « J’espère qu’ils te plaisent. » Ça en avait tout l’air au vue de comment Chul Hei paraissait content mais on n’était jamais sûr de rien. « Hein ? Quoi donc ? » Il s’était cette fois-ci tourné vers la fleuriste, une lueur penaude se reflétant dans ses pupilles. « Cela fait une éternité que je n’avais pas fait de courses mais ça va. » Si elle parlait de ça du moins… Il n’en savait trop rien et avait enchéri sans être vraiment certain de ce que sa vis-à-vis souhaitait savoir.

Pour le reste, il n’avait pas été étonné que Tiffany le remercie et s’il lui avait arboré une esquisse en guise de réponse, il avait également ajouté qu’elle n’avait pas à le faire. « Je ne t’ai rien pris parce que je n’étais pas sûr de ta taille puis toi, tu peux toujours utiliser les miens. » Même si ça lui allait trop grand, ça lui irait toujours mieux qu’à leur fils puis si jamais elle désirait un ou deux ensemble, il lui en achèterait le jour suivant. « Mon bras ? » Avait-il bêtement répété avant de comprendre aussitôt « Ah, oui, oui, ça va. » Et l’éclat qu’il lui avait adressé en accompagnant ses mots en était bien la preuve. Il avait presque oublié qu’il était blessé, c’était pour dire. « Qu’est-ce que vous voulez manger pour le dîner ? » Maintenant que les placards étaient pleins, ce n’était plus le choix qui manquait. Il y avait encore des sacs près de lui qui n’avaient pas été débarrassé mais ceux là étaient à garder pour plus tard. Il les donnerait une fois qu’ils seraient enfin tranquillement posés.

Ce qui est normal pour un peut être le chaos le plus total pour un autre. Tiffany n’avait donc aucune idée de ce que Jun Ho pouvait sous-entendre avec cet aveu. Elle ne savait même pas si elle pouvait affirmer le connaître ou non. Ils s’étaient beaucoup côtoyés, à une autre époque. La jeune femme était toujours restée fidèle à elle-même, montrant ses bons côtés comme ses mauvais. Souriante, drôle, décalée… mais aussi têtue, un brin violente et qui ne se retenait pas pour insulter les gens. À son arrivée, elle connaissait bien sûr la culture coréenne, les meurs et la mentalité, mais comme tout ne lui plaisait pas… Elle ne se pliait pas à tout et gardait un côté hautement étranger, qui décalait avec ses traits pourtant bien typés coréen. On disait souvent qu’elle était mal élevée, cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle avait déjà l’habitude qu’on ne lui fasse des remarques du genre ou des reproches, au Québec. Ce n’est pas un fuseau horaire différent qui allait affecter ses réactions sur ça ! Mais lui… Il lui avait dit s’appeler Kôsei, il avait disparu du jour au lendemain… Il était réapparu par hasard dans sa vie, avait bien insisté sur le fait de ne plus vouloir en faire partie, même si elle ne l’y avait même pas invité ! Il avait d’ailleurs laissé sous-entendre qu’il était déjà au courant de l’existence de Chul Hei, bien que cela n’avait rien changé dans sa disparition. Tiffany en avait été hautement énervée. Elle se fichait que ça ait été difficile et, par moments, terrible pour elle. Ce qui la dérangeait était que l’enfant n’avait jamais rien demandé et pourtant, il se faisait ainsi ignorer comme s’il n’avait pas de valeurs. La personne qu’elle avait cru connaître n’était pas comme ça… Enfin, elle ne l’avait jamais imaginé ne pas donner la moindre chance à un petit sourire innocent… Puis, elle avait appris son vrai nom et donc, qu’on lui avait menti sur la chose la plus anodine. La partie mafia était celle qu’elle pouvait comprendre qu’il ait caché…

Cependant, s’il était bel et bien de cet univers, ce qui était normal ne l’était pas nécessairement pour elle. Il lui avait menti sur certaines choses, lui en avait caché d’autres… Il devait bien avoir joué sur quelques détails aussi. Donc, au final… l’avait-elle connu ? Tiffany n’en avait aucune idée. Comment aurait-elle pu savoir ce qu’il avait voulu dire ? Si elle écoutait ses réflexions, il s’était plaint qu’elle et Chul Hei ne dérangent son calme quotidien, alors qu’ils n’avaient rien demandé. Or, elle réussissait à réfléchir un peu et prendre du recul… Cette idée ne collait pas vraiment à ses gestes… Pour une fois, elle avait donc posé la question. Autrement, elle allait s’énerver encore.

-« Ne plus avoir à mener de double vie, pouvoir être juste moi-même, sortir tranquillement dehors sans avoir peur de me faire tuer, aimer comme je le veux sans avoir peur qu’on m’enlève ceux que j’aime, ne plus être enchaîné dans un milieu qui ne me correspond pas, pouvoir simplement profiter sans penser à rien… Une vie normale quoi. »

Sa définition d’une vie normale était étonnamment similaire à celle qu’en avait la fleuriste. Elle se calma un peu, baissant les yeux sur sa tasse. C’était un imbécile (enfin, seulement parce qu’elle ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir de lui avoir fait mal), mais… c’était triste que d’entendre ça. Personne ne devrait vivre avec de tels soucis.

-« Enfin, arrêtons de parler de ça. »

Tiffany s’était mordillé l’intérieur de la lèvre inférieure et avait hoché la tête pour acquiescer. Elle n’avait pas toute sa tête, ce soir, ils étaient fatigués et le sujet n’était pas agréable pour lui. La jeune femme n’était pas une sadique non plus et songeait que s’ils devaient vraiment en parler, il vaudrait mieux que ce ne soit en étant un peu plus… calmes ?


La journée avait été étrange et stressante, même si rien ne s’était déroulé. Elle n’avait pu s’empêcher de s’inquiéter pour Jun Ho, culpabiliser en voyant les marques sur les poignets de son fils ou en remarquant ses réactions nerveuses. Elle avait aussi eu certains réflexes, liés à des habitudes de son quotidien, mais avait toujours été ramenée à la réalité de la journée. Non, elle n’avait pas son téléphone et ne pouvait pas appeler à la boutique pour savoir si tout se passait bien. Tiffany ne savait pas non plus si le message avait bien été passé parmi ses proches. Après tout, elle avait limite alerté l’ambassade canadienne, la veille ! Bon, elle ne l’avait pas fait, même si Chul Hei a ses racines sirop d’érable, puisqu’elle est née dans ce pays de neige. Elle espérait qu’on ne s’inquiétait pas pour eux… Même si sa tante devait passer le message, ce n’était pas du tout le genre de la québécoise de disparaître des radars comme ça. La québécoise restait toujours en contacts avec les gens, que ce soit une simple publication sur instagram – puisqu’elle s’en servait aussi pour faire de la publicité pour sa boutique – ou un message pour discuter de tout et de rien. Elle espérait donc vraiment que le message s’était rendu ou que les gens qui ne l’avaient pas eu étaient ceux qui s’en ficheraient bien et ne la chercheraient pas ! Tiffany ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour sa boutique aussi. Si des gens y allaient pour tout saccager, s’en prendre à ses employés ou peu importe ? Elle, elle se cachait ici avec Chul Hei, mais les autres ?

Ce qu’elle pouvait détester cette situation ! Elle s’était tout de même efforcée à sourire, à jouer, à tout faire pour apaiser l’enfant. La fatigue avait fini par avoir raison d’elle et elle s’était assoupie quelques minutes sur le film, étant toutefois rapidement tirée de son sommeil à cause d’un énième message de Jun Ho. Il disait qu’il allait faire des courses, puis rentrer. Tiffany était donc restée bien éveillée et s’était occupée avec Chul Hei jusqu’au retour du mafieux. L’enfant avait joyeusement été l’accueillir, ayant visiblement passé une bonne journée. La québécoise était restée plus discrète et avait naturellement commencé à l’aider. Bien qu’il avait très envie de voir les autres choses qu’on lui avait apporté, Chul avait mis son sac de côté pour plutôt venir aider. Une fois que le dernier sac de courses de nourritures avait été vidé, il était retourné à son sac à lui et avait gaiement partagé son contenu à sa mère. Un sourire plein de douceur et de tendresse s’était dessiné sur les lèvres de cette dernière, alors qu’elle le voyait si content pour des vêtements. Il avait toujours été un enfant facile à vivre, simple à faire plaisir. Toujours aussi poli, il avait chaudement remercié Jun Ho pour la surprise.

-« Je t’en prie. J’espère qu’ils te plaisent. »

-« Ouiiiii ! Surtout ce pyjama … et… et… ce t-shirt ! » avait-il répondu, allant justement les reprendre dans le sac pour les lui montrer.

Il préférait le pyjama trop grand, évidemment, mais le haut qui allait être à la bonne taille. Bon, au moins un des deux lui ferait plus longtemps ! L’enfant les mettait devant lui, tout content, puis s’installa par terre pour – tenter de – les plier, puisqu’il avait vu que sa mère le faisait. Tiffany se disait qu’elle allait les laver, de toutes manières, avant de les lui mettre. Cependant, ce n’était pas une raison pour les laisser en tas et traîner partout. Depuis qu’elle était mère, elle faisait beaucoup plus attention à la propreté et au ménage. Elle sourit en remarquant ce que l’enfant faisait, puis releva les yeux vers Jun Ho.

-« Hein ? Quoi donc ? Cela fait une éternité que je n’avais pas fait de courses mais ça va. »

-« Tu sembles t’en être bien sorti quand-même… » commenta-t-elle calmement. « Tu as… encore ramené des trucs… étonnants… » admit-elle, en plissant les yeux.

Elle faisait ici allusion aux choses qu’elle aimait. La québécoise ne lui avait pourtant rien demandé du genre, ne se concentrant que sur son fils et ne voulant pas trop ambitionner sur le mafieux. Il s’en était vraiment rappelé ? Pas seulement du petit déjeuner ? Cela lui faisait plaisir, mais l’étonnait encore plus. Pourquoi s’en rappelait-il ? Elle avait VRAIMENT été si chiante à l’époque ? Ou… il ne s’était peut-être pas complètement foutu d’elle et l’avait vraiment considéré comme une amie ?

-« Je ne t’ai rien pris parce que je n’étais pas sûr de ta taille puis toi, tu peux toujours utiliser les miens. »

Elle hocha la tête. Il est vrai qu’il porte environ la même taille de soutien-gorge ! Puis, s’il était revenu avec des vêtements pour elle… ça aurait été trop bizarre. Il y a trop de tailles qu’il n’est pas sensé connaître, donc encore moins se rappeler !

-« Je t’aurais pris pour un stalker, si tu avais su mes tailles…! » admit-elle très franchement. « Chul Hei est plus important, de toutes manières, donc ne t’en fais pas. » avait-elle ajouté, un peu plus doucement.

Tiffany n’avait pu se retenir de revenir sur un autre détail qui la chipotait. Chul Hei recommençait pour la troisième fois sa tentative de pliage du t-shirt rebelle, donc, son esprit était ailleurs et il ne s’inquiéterait pas.

-« Mon bras ? Ah, oui, oui, ça va. »

Elle avait haussé un sourcil à sa première réaction. Vraiment ? Il avait oublié ? En un sens,  c’était rassurant. Ça ne devait pas trop l’avoir dérangé ou gêné dans sa journée. De son côté, elle avait passé sa journée à maudire les terminaisons nerveuses de ses doigts qui lui rappelaient qu’elle avait tenté de les dévorer la veille… Chul Hei s’était relevé et était venu donner ses vêtements pliés avec efforts à sa maman qui les prit en lui souriant, pour ensuite les mettre avec les autres.

-« Qu’est-ce que vous voulez manger pour le dîner ? »

-« De la soupe sujebi ! Des jajangmyeon ! Des spaghettis à la bolognaise ! Et de la poutine ! » répondit Chul Hei avec entrain.

Tiffany le regarda un peu de travers, un sourire amusé aux lèvres malgré elle. Il était sérieux avec cet assortiment singulier de cuisine fusion ? Oui, bon, à la maison, la québécoise mélange un peu les cuisines… mais jamais elle n’aurait pensé à ces plats ensemble ! Puis, soupe aux nouilles, nouilles au bœuf et légumes, pâtes et patates… Il avait un certain motif récurrent dans ses envies !

-« Évitons ce mélange, si on veut rester en vie… » commenta-t-elle avec un petit rire, malgré elle. « Tu as envie de manger tout ça ou tu dis les choses que tu aimes cuisiner avec moi ? » ajouta-t-elle en reposant son regard sur l’enfant.

Chul Hei esquissa un petit sourire coupable, pris la main dans le sac. Contrairement à ce matin, Jun Ho allait devoir se coltiner deux assistants ou être le leur, s’il souhaitait rester dans la cuisine.

-« La sujebi, les japchae et des à-côtés qui se marient un peu mieux, ça vous va ? » proposa-t-elle, se disant que ça, au moins, ça faisait plus de sens.

L’enfant aimait beaucoup la soupe – même si Tiffany ne comprenait pas pourquoi. Elle se rappelait que Jun Ho aimait beaucoup les japchae, avant, peut-être que ça avait changé, mais bon… elle essayait de faire son effort, elle aussi. Puis, elle en fait de temps en temps avec le petit, donc il restait content de pouvoir aider pour ça aussi.